JE ME SOUVIENDRAI 2012 Mouvement social au ... - La boîte à bulles
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De manière insidieuse, nous sommes<br />
devenus les variables d’un marché en tant<br />
que « ressource humaine », « producteur de<br />
biens ou de services », « investisseur »,<br />
« consommateur » et « bénéficiaire ». Pour<br />
faire rouler la machine du consommerjeter-consommer-jeter,<br />
si profitable <strong>à</strong><br />
l’économie dominante, il f<strong>au</strong>t des<br />
ressources. Toujours plus de ressources<br />
matérielles et humaines <strong>au</strong> moindre coût<br />
économique possible.<br />
Ce « moindre coût » a pourtant un prix,<br />
tant environnemental que <strong>social</strong>. En<br />
économie, on parle d’externalités. Dans<br />
ce mot fourre-tout se trouve un ensemble<br />
de problèmes pouvant être générés par le<br />
modèle économique dominant : la pollution<br />
de l’air, de l’e<strong>au</strong> et du sol, la précarité et<br />
les pertes d’emploi, les maladies physiques<br />
et mentales (dont les dépressions et les<br />
suicides), les changements climatiques, la<br />
p<strong>au</strong>vreté des travailleurs <strong>à</strong> faibles revenus,<br />
la perte de biodiversité, etc.<br />
Pour résumer la chose simplement, le<br />
système économique et politique dominant<br />
privatise les profits et <strong>social</strong>ise les<br />
coûts. Cette façon de faire a mené les<br />
États comme les ménages <strong>à</strong> des records<br />
d’endettement, et ce, non seulement sur<br />
le plan économique, mais <strong>au</strong>ssi sur le plan<br />
<strong>social</strong> et environnemental.<br />
209<br />
<strong>La</strong> goutte qui a fait<br />
déborder le vase<br />
Les porteurs de carré rouge, blanc ou noir<br />
que je connais ne sont pas dans la rue<br />
seulement <strong>à</strong> c<strong>au</strong>se de la h<strong>au</strong>sse des droits de<br />
scolarité. Loin de l<strong>à</strong>. Ils y sont pour ce que<br />
cela symbolise comme choix de société. Ils<br />
croient encore en la valeur du mot « équitable<br />
», et pas seulement pour leur café.<br />
Le gouvernement veut aller chercher 300<br />
millions dans les poches des étudiants<br />
alors qu’en 2011, des allégements fisc<strong>au</strong>x<br />
de 3,6 milliards ont été accordés <strong>au</strong>x<br />
entreprises <strong>au</strong> Québec. D’<strong>au</strong>tres milliards<br />
s’envolent dans des paradis fisc<strong>au</strong>x f<strong>au</strong>te<br />
de rigueur et de volonté politique. Que<br />
dire du 25 % supplémentaire payé pour nos<br />
infrastructures ?<br />
On ne s’étonne plus d’entendre parler de<br />
collusion et de corruption tant les cas sont<br />
devenus nombreux. Tout cela pour dire<br />
que les ressources, nous les avons. Il s’agit<br />
de choisir nos priorités.<br />
Ainsi, la loi 78 <strong>au</strong>ra été la goutte qui a fait<br />
déborder le vase, mais force est de constater<br />
qu’il était déj<strong>à</strong> bien plein. Les Québécois<br />
ont be<strong>au</strong> chérir la paix <strong>social</strong>e, ils ne sont<br />
pas dupes. Les arguments économiques<br />
lancés par nos gouvernements, tant <strong>à</strong><br />
Québec qu’<strong>à</strong> Ottawa, sont une insulte<br />
<strong>à</strong> notre intelligence.<br />
Démocratiser l’économie<br />
Rappelons-nous que l’économie est une<br />
construction <strong>social</strong>e. Elle opère grâce <strong>à</strong> des<br />
institutions que nous avons créées dans<br />
un cadre juridique et politique que nous<br />
pouvons contrôler. Ainsi, contrairement<br />
<strong>à</strong> ce que nos dirigeants actuels prétendent,<br />
nous avons le choix. Les voies sont<br />
multiples.<br />
Les idées abondent dans le Québec<br />
moderne. Quand l’Histoire ouvre ses<br />
portes comme elle le fait maintenant, tout<br />
est possible. Nous avons l’intelligence, les<br />
ressources et le courage nécessaires pour<br />
entreprendre une transition. À nous de<br />
choisir laquelle, et comment.<br />
Nous pourrions, par exemple, nous<br />
inspirer de l’Islande qui, <strong>à</strong> la suite de la<br />
crise financière de 2008, s’est dotée d’une<br />
nouvelle Constitution rédigée par et pour<br />
le peuple. Entamer un tel processus est tout<br />
<strong>à</strong> fait possible ici.<br />
Cette idée recueille d’ailleurs de plus<br />
en plus d’appuis. D’<strong>au</strong>tant plus que le<br />
Québec, contrairement <strong>au</strong> Canada, n’a pas<br />
encore de Constitution. Ce serait l’occasion<br />
d’amorcer une réforme de nos institutions<br />
démocratiques, une contribution certaine<br />
<strong>à</strong> la démocratisation de notre économie<br />
puisqu’elle permettrait <strong>à</strong> une pluralité de<br />
voix d’être entendues. Pensons <strong>au</strong> potentiel<br />
d’un mode de scrutin proportionnel<br />
par exemple et <strong>à</strong> l’importance de revoir<br />
le financement des partis politiques afin<br />
d’éviter les dérives connues ces dernières<br />
années.<br />
Résistants <strong>au</strong> changement<br />
Certes, s’approprier la démocratie<br />
peut être insécurisant. Je pense <strong>à</strong> mon<br />
arrière-grand-mère qui s’est farouchement<br />
opposée <strong>au</strong> droit de vote des femmes. Elle<br />
avait ses raisons, comme en ont ceux et<br />
celles qui s’opposent <strong>à</strong> la démocratisation<br />
politique et économique actuellement. Les<br />
humains sont naturellement résistants <strong>au</strong><br />
changement.<br />
Il <strong>au</strong>ra fallu <strong>à</strong> l’époque de mon aïeule une<br />
(r)évolution, un changement de paradigme<br />
pour légitimer le droit de vote des femmes.<br />
C’est <strong>à</strong> mon avis ce qui est en train de se<br />
passer <strong>au</strong> Québec concernant le conflit<br />
étudiant. Celui-ci cristallise un ras-le-bol<br />
général <strong>à</strong> l’égard d’un système qui carbure <strong>à</strong><br />
l’exploitation <strong>social</strong>e et environnementale.<br />
Je pense que nous pouvons avancer la tête<br />
h<strong>au</strong>te dans ce processus de transition qui<br />
s’amorce. Le Québec a fait maintes fois la<br />
preuve de sa capacité <strong>à</strong> mener de grands<br />
chantiers, avec sérieux et intelligence. Nos<br />
révolutions sont tranquilles. Mais elles sont<br />
de vraies révolutions. L’heure est venue de<br />
choisir ce que sera le Québec de demain.<br />
Le trille rouge n’en est pas <strong>à</strong> son premier<br />
printemps. L’été finit toujours par arriver.<br />
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