Télécharger le livret - Outhere
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jamais vu dans la musique : un motif actif, inquiétant,<br />
rythmique déplace d’un demi-ton, sans transition,<br />
la reprise variée de la première partie du<br />
Menuet, qui se fait donc entendre “trop haut”, en La<br />
majeur. La “paix” initia<strong>le</strong> est sensib<strong>le</strong>ment troublée.<br />
Une deuxième partie, modulante – une sorte de<br />
développement – s’intensifie et s’accélère – c’est<br />
nouveau aussi – comme prise par une peur panique,<br />
jusqu’à ce que <strong>le</strong> cauchemar cesse sur un rou<strong>le</strong>ment<br />
de tambour : l’accord de neuvième de dominante de<br />
ce “faux” La majeur. Ce n’est qu’au XX e sièc<strong>le</strong> que l’on<br />
retrouvera transcrits en musique, par exemp<strong>le</strong> chez<br />
Mah<strong>le</strong>r, Bartók, Chostakovitch, des traumatismes<br />
psychiques de cet ordre. La réexposition commence<br />
logiquement en La majeur et devrait, comme l’exposition,<br />
refaire dans l’autre sens <strong>le</strong> pas du demi-ton<br />
vers La bémol. Mais peu avant ce tournant formel<strong>le</strong>ment<br />
nécessaire, Schubert se contenta d’indiquer<br />
« etc etc. » et nota immédiatement à la suite <strong>le</strong> douloureux<br />
Trio dans <strong>le</strong> ton parallè<strong>le</strong> Sol dièse mineur<br />
(en fait La bémol mineur). Par bonheur, nous possédons<br />
un modè<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> retour de modulation<br />
manquant à la fin de la partie principa<strong>le</strong> : dans <strong>le</strong><br />
sixième Moment Musical (opus 94, D 780), en La<br />
bémol lui aussi, Schubert a voulu la même modulation<br />
à la fin. J’ai pris exemp<strong>le</strong> sur lui pour ma reconstitution,<br />
de 15 mesures seu<strong>le</strong>ment, pour achever ce<br />
mouvement.<br />
Obéissant à la tradition classique, <strong>le</strong> quatrième<br />
mouvement est dans la même tonalité que <strong>le</strong> premier,<br />
dans la “sérénité” d’Ut majeur, mais plus<br />
mouvementé. Malgré l’indication « Rondo », il est<br />
comme <strong>le</strong> premier de forme sonate, mais présente<br />
une particularité formel<strong>le</strong> : <strong>le</strong>s thèmes principal et<br />
93 English Français Deutsch Italiano<br />
secondaire sont conçus comme une espèce de<br />
rondo miniature. Dans <strong>le</strong> premier “rondo”, on a<br />
une réminiscence beethovénienne, cel<strong>le</strong> du dernier<br />
mouvement de la Sonate en Ut majeur opus 2/iii<br />
et de l’Hymne à la joie de la Neuvième Symphonie,<br />
dont <strong>le</strong> motif initial est obstinément répété ou<br />
plutôt décalé. 5 Tout cela avec beaucoup de finesse<br />
et d’esprit, des harmonies toujours nouvel<strong>le</strong>s et<br />
surprenantes, qui nous mènent jusqu’en mi et si<br />
majeur. Les timbres délicats qui dominent dans la<br />
sphère du premier thème se font couper la paro<strong>le</strong>,<br />
dans la gaieté, par <strong>le</strong> groupe du deuxième thème,<br />
dansant et presque rustique. Ce groupe – à la dominante<br />
Sol majeur d’usage – fait lui aussi des<br />
“ex-cursions” tona<strong>le</strong>s, surtout vers Si bémol majeur<br />
(dans la pensée tona<strong>le</strong> architectonique de<br />
Schubert, l’absence de Si bémol majeur de la première<br />
sphère thématique est presque une évidence).<br />
Après une conclusion triompha<strong>le</strong> du deuxième<br />
groupe thématique, l’épilogue doux et chantant,<br />
tiré lui-même du deuxième thème, se termine<br />
sur une question timide et craintive (cadence<br />
phrygienne).<br />
Le développement commence par un thème<br />
flottant et merveil<strong>le</strong>ux, en La mineur, qui fait pressentir<br />
Mendelssohn. Bien que <strong>le</strong> début soit tiré du<br />
thème principal, son effet est tout à fait nouveau,<br />
du simp<strong>le</strong> fait du souff<strong>le</strong> plus vaste, plus long de<br />
ses phrases. Et là où <strong>le</strong> suspense arrive, dans la<br />
lumière du La majeur, la partition s’arrête. C’est<br />
5 Ce n’est peut-être pas un hasard : dans <strong>le</strong> Fina<strong>le</strong> de la grande<br />
Symphonie en Ut majeur, qui fut composé éga<strong>le</strong>ment, d’après<br />
<strong>le</strong>s plus récentes recherches, en 1825 (26 ?), <strong>le</strong> développement<br />
est lui aussi hanté par un fragment du thème de la Joie.