Télécharger le livret - Outhere
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supérieure que Furtwäng<strong>le</strong>r a comparé, à juste<br />
titre, à un mariage idéal.<br />
Dès <strong>le</strong> début, il se passe quelque chose d’insolite :<br />
après la première attaque du thème principal, conçu<br />
en groupe de cinq mesures, on arrive à un accord de<br />
neuvième (mes. 3-5) qui avance dans la deuxième<br />
phrase correspondante d’une manière qui n’était<br />
encore venue à l’idée d’aucun compositeur avant<br />
Schubert. Au lieu de suivre <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s et de résoudre<br />
la voix supérieure de l’accord mi-ré-fa en mi,<br />
Schubert mène la voix de basse par fa dièse vers <strong>le</strong><br />
sol tout en gardant <strong>le</strong> fa supérieur. Ainsi, il arrive à<br />
la dominante de la tonalité relative, Ut majeur, d’où<br />
il continue vers Fa majeur et une nouvel<strong>le</strong> marche<br />
harmonique qui commence en Mi bémol majeur ( !).<br />
Cette nouvel<strong>le</strong> marche harmonique culmine dans<br />
un de ces déplacements de médiante bruckneriens<br />
cités plus haut (de Fa majeur à Ré bémol majeur)<br />
pour aboutir triompha<strong>le</strong>ment à l’accord de quarteet-sixte<br />
de fa. Tout cela sur un espace extrêmement<br />
réduit, au cours de quelques secondes seu<strong>le</strong>ment.<br />
Chez des compositeurs postérieurs, un tel développement<br />
harmonique aurait certainement nécessité<br />
plusieurs minutes.<br />
Le second thème et <strong>le</strong> thème de l’épilogue ne<br />
sont pas écrits, suivant l’habitude, en Ut majeur,<br />
tonalité relative, mais en Fa majeur, tonalité « plus<br />
sombre ». La sérénité relative de ces thèmes calmes<br />
est troublée par la sixte mineure ré bémol qui apparaît<br />
ostinato au ténor. Ceci crée l’impression du<br />
“bercement de la mort”, qui est tel<strong>le</strong>ment typique<br />
pour Schubert et qu’on retrouvera plus tard sous<br />
une forme semblab<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> fina<strong>le</strong> de la Sonate<br />
en La mineur de 1823 (D 784).<br />
71 English Français Deutsch Italiano<br />
Le développement, fondé sur des contrastes<br />
extrêmement dynamiques, est construit exclusivement<br />
à partir du dernier motif de l’exposition, un<br />
“soupir”. La première éruption ff en Mi majeur,<br />
répétée tel<strong>le</strong> quel<strong>le</strong> en Ré et en Ut, est véritab<strong>le</strong>ment<br />
saisissante. Une répétition de plus et la limite<br />
entre perfection et di<strong>le</strong>ttantisme serait<br />
franchie. Mais comme dans une partie d’échecs<br />
génia<strong>le</strong> Schubert continue de la seu<strong>le</strong> manière possib<strong>le</strong><br />
: accélération thématique, augmentation de<br />
la tension “à la Beethoven” qui expire ensuite sur<br />
la dominante de Fa mineur (ou Fa majeur). Après<br />
<strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce, on s’attendrait à une continuation en Fa<br />
majeur mais, à la manière des “médiantes bruckneriennes”,<br />
c’est un thème tendre en La bémol<br />
majeur, dont la substance est caractérisée par <strong>le</strong><br />
motif bitonal déjà mentionné, qui suit. Une autre<br />
“fauste” résolution d’un accord de neuvième nous<br />
mène à la basse, cette fois par demitons, de La bémol<br />
majeur vers La majeur, et prépare dans une<br />
grande ascension la réexposition qui commence (ff<br />
au lieu de f) en Ré mineur, une quarte plus haut<br />
que <strong>le</strong> début. D’après plusieurs commentateurs<br />
stupides, Schubert aurait choisi <strong>le</strong> Ré mineur pour<br />
la réexposition par « paresse » ou par « incapacité »<br />
de modu<strong>le</strong>r logiquement. Ces commentateurs<br />
oublient seu<strong>le</strong>ment un petit détail : <strong>le</strong> mode mineur<br />
est soumis à d’autres lois que <strong>le</strong> mode majeur.<br />
Si on suivait ces critiques absurdes, <strong>le</strong> deuxième<br />
thème devrait maintenant apparaître en Si bémol<br />
majeur. Mais Schubert se dirige par une modulation<br />
modifiée et élargie vers La majeur, la bonne<br />
tonalité. Son infaillib<strong>le</strong> sens des formes se manifeste<br />
ensuite dans la coda où <strong>le</strong> thème principal est