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Préface aux Sonates pour piano de Schubert Paul Badura Skoda<br />

il aura fallu attendre bien plus de cent ans avant que <strong>le</strong> monde musical ne commence à reconnaître<br />

quel trésor immense recèlaient <strong>le</strong>s Sonates pour piano de Schubert. Le retard avec <strong>le</strong>quel el<strong>le</strong>s furent<br />

découvertes est étroitement lié à <strong>le</strong>ur profondeur, <strong>le</strong>ur nouveauté et <strong>le</strong>ur originalité. Les Sonates pour<br />

piano de C. Maria von Weber, par exemp<strong>le</strong>, furent appréciées beaucoup plus vite par <strong>le</strong> public. Pourtant,<br />

malgré une écriture brillante et des beautés en partie schubertiennes dans la Sonate en La bémol<br />

majeur, el<strong>le</strong>s sont aujourd’hui presque tombées dans l’oubli. il en est de même pour <strong>le</strong>s compositions,<br />

non sans importance, de Hummel dans ce domaine, alors que <strong>le</strong>ur auteur était presque plus apprécié<br />

que Beethoven de son vivant. Schubert a surpassé ces maîtres, et d’autres encore, en substance, par<br />

l’élévation et l’humanité de ce qu’il avait à dire et par un désir de perfection structurel<strong>le</strong>, d’unité entre<br />

forme et contenu qui, toutes différences dans <strong>le</strong>ur personnalité mises à part, ne supportent de comparaison,<br />

sur <strong>le</strong> plan de la relation à l’art, qu’avec Beethoven.<br />

On ne peut éviter de comparer Beethoven et Schubert : moins parce qu’ils étaient contemporains<br />

(Schubert ne mourut qu’un an après Beethoven) que parce qu’ils exprimèrent tous deux dans <strong>le</strong>urs<br />

Sonates pour piano – plus encore que dans <strong>le</strong>urs Symphonies – ce qui <strong>le</strong>ur était <strong>le</strong> plus personnel et<br />

parce qu’ils laissèrent tous deux un catalogue de sonates à peu près aussi important et aussi mo-numental.<br />

Les Sonates de Beethoven ne se sont pas non plus imposées tout de suite. Mises à part <strong>le</strong>s trois<br />

ou quatre plus populaires, <strong>le</strong>s autres n’entrèrent dans <strong>le</strong> patrimoine musical européen qu’environ cinquante<br />

ans après sa mort, grâce surtout à Hans von Bülow, qui appelait ces Sonates <strong>le</strong> Nouveau<br />

Testament des pianistes (<strong>le</strong>ur Ancien Testa-ment étant <strong>le</strong> Clavier bien tempéré de Bach). Mais même <strong>le</strong>s<br />

plus grands musiciens (Chopin par exemp<strong>le</strong>) se sont toujours heurtés à <strong>le</strong>ur rudesse voire parfois à une<br />

banalité dont même un Beethoven – eh oui ! – n’était pas à l’abri. Ravel parlait souvent de façon péjorative<br />

du « Grand sourd » et ne voulait pas entendre par<strong>le</strong>r d’un monument à Beethoven avant qu’on en<br />

ait é<strong>le</strong>vé un à Mozart. Sans doute aurait-il plutôt admis Schubert, ne serait-ce que parce que <strong>le</strong> son, chez<br />

Schubert, peut se faire élément structurel, parce que son écriture pianistique laisse souvent deviner un<br />

sens presque prophétique pour la beauté des timbres.<br />

Ce retard dans la découverte des Sonates de Schubert – contrairement au cas de ses Lieder – peut<br />

s’expliquer en partie par un phénomène particulier, celui de l’histoire de <strong>le</strong>ur publication et de <strong>le</strong>ur révélation<br />

au public. Du vivant de Schubert, seu<strong>le</strong>s trois de ses 20 Sonates (ou 22 selon la manière de compter)<br />

furent imprimées : <strong>le</strong>s opus 42, 53 et 78. El<strong>le</strong>s sont toutes trois, il faut <strong>le</strong> dire, des chefs d’œuvre, de proportions<br />

imposantes, dont <strong>le</strong>s contemporains surent déjà en partie reconnaître <strong>le</strong> génie (cf. la critique d’époque<br />

citée dans mon commentaire détaillé de la Sonate en La bémol majeur opus 42, D 845). C’est seu<strong>le</strong>ment<br />

après la mort de Schubert que parurent <strong>le</strong>s autres Sonates, parfois à de longs interval<strong>le</strong>s et pour <strong>le</strong>s<br />

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