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tout d’abord pris le templier Holmann pour l’un de ces individus. Pourtant, même s’il était visiblement
très croyant et zélé dans l’exécution de sa charge, il restait une indiscutable humanité dans ses yeux et
dans son cœur. Il ne ressemblait pas à cet impitoyable chasseur de sorcières des légendes. Sans doute
poursuivait-il cet idéal, mais il était encore jeune et était loin de correspondre à cette image… Du moins,
pour l’instant.
Elle se souvint de ce qu’il lui avait dit sur le fait qu’il avait lui-même mis à mort ses parents et elle
réalisa qu’il était tombé dans cette profession un peu comme elle dans sa nature inhumaine. Il n’avait pas
eu le choix. Si Krieger ne l’avait pas enlevée, Ulrika n’aurait jamais choisi d’elle-même cette existence
de vampire. Si les mutations n’avaient pas affecté les parents d’Holmann, jamais il ne serait devenu
chasseur de sorcières. Tous deux étaient frère et sœur de par leurs mésaventures.
Elle comprenait également sa solitude. Elle se sentait elle-même prisonnière entre deux mondes, sans
appartenir à aucun des deux. Celui des humains lui était désormais fermé et celui des vampires lui
paraissait encore étranger et bizarre. Elle n’avait osé confier à personne, pas même à Gabriella, ses
innombrables craintes et confusions, par peur de paraître faible ou folle.
À qui pouvait bien se confier le templier Holmann ? À qui pouvait-il bien confesser ses faiblesses et
ses doutes ? Ces démagogues sans limite qu’étaient ses collègues ? Ses prêtres ? Ils le révoqueraient sous
les chefs d’hérésie et de couardise. Peut-être même le brûleraient-ils vif. Il ne pouvait pas non plus
raconter ses états d’âme à une épouse qui n’avait aucune compréhension des horreurs qu’il affrontait
chaque jour. Peut-être pourrait-elle le réconforter, mais elle ne le comprendrait jamais.
Une soudaine sympathie pour cet homme lui serra la poitrine. Un chasseur de sorcières et une vampire
étaient des ennemis naturels, mais elle appréciait cependant le templier. C’était un brave homme et elle se
surprit à espérer avoir été cette femme qu’il croyait qu’elle était, une amie et une confidente qui
combattrait à ses côtés et le réconforterait ensuite de son corps et de son âme. Mais ces pensées
d’intimité en amenèrent d’autres d’une tout autre nature. Son sang battait fortement dans ses veines et
l’odeur en était enivrante. Pénétrer dans le temple de Morr et tous ces efforts pour y déambuler avaient
puisé dans ses réserves et elle se sentait affamée. Elle n’arrivait plus à penser à Holmann sans se voir en
train de se nourrir de lui. Elle se maudit intérieurement. C’était réellement exaspérant. Le désir physique
et la soif de sang seraient-ils à jamais étroitement liés dans son esprit ? Se contenter de marcher en
compagnie d’un humain lui serait-il à jamais défendu ?
Si cette faim ne se calmait pas, elle devrait s’éloigner de lui ou elle aurait le plus grand mal à se
contrôler. Elle ne voulait pas s’en prendre à lui, plus maintenant. Elle imaginait déjà ce regard accusateur
qu’il lui lancerait. Cette pensée la fit grimacer. C’était de la pure folie, mais elle voulait qu’il continue à
croire en elle, à apprécier sa compagnie. Elle se sentait valorisée d’avoir gagné son respect et ne voulait
pas perdre tout cela en cédant à la révulsion et à la rage.
Bien sûr, si elle lui prenait son sang, sa rage disparaîtrait, non ? Il deviendrait comme tous les autres
pourvoyeurs. Il l’aimerait bien trop pour la trahir en la dénonçant à ses compagnons. Son cœur s’emballa
à cette idée. Pourquoi pas ? Elle n’aurait alors plus à lui dissimuler son secret et lui, il ne serait plus seul.
Ils deviendraient complices, arpenteraient la nuit à la recherche des ennemis communs aux vampires et
aux humains et passeraient leurs journées dans les bras l’un de l’autre.
L’image de Quentin qui la fixait alors que son sang s’écoulait de son cou fit éclater ce doux rêve
comme une bulle de savon. Une telle relation n’était pas celle qu’elle attendait. Ce ne serait pas une
réelle amitié, ils seraient maîtresse et serviteur. Une fois qu’il avait donné de son sang, un humain perdait
tout sens du jugement et devenait un docile esclave qui n’avait pour seule impatience que de
recommencer encore et encore. Elle avait lu cela en Quentin et en Imma, cette nauséeuse et écœurante
servilité. Elle ne voulait pas qu’Holmann devienne ainsi. Elle l’appréciait pour sa droiture, ses croyances