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Holmann hocha de nouve<strong>au</strong> la tête et ils poursuivirent à nouve<strong>au</strong> en silen<strong>ce</strong>. Ulrika espérait qu’il en<br />
<strong>au</strong>rait fini avec ses questions. Moins elle parlerait des Lahmianes mortes en sa présen<strong>ce</strong>, mieux <strong>ce</strong>la<br />
v<strong>au</strong>drait. Elle ne voulait surtout pas lâcher le moindre indi<strong>ce</strong> par accident ou lui donner une in<strong>format</strong>ion<br />
quelconque. Mais lorsque le chasseur se remit à parler, <strong>ce</strong> ne fut pas pour lui poser une question.<br />
—Vous… vous êtes une femme très particulière, Fräulein, lui dit-il en la regardant du coin des yeux.<br />
Plus que vous ne pouvez vous en douter, se dit Ulrika.<br />
—Ah oui ? Et à quel point de vue ? se contenta-elle de demander.<br />
Il se mit à rire.<br />
—Mais à tous points de vue ! lui répondit-il en la montrant de sa main gantée. Vos vêtements<br />
masculins, votre coupe de cheveux, vos manières. Tout <strong>ce</strong>la va contre toutes les conventions et toutes les<br />
bonnes manières, et pourtant… vous semblez parfaitement normale et équilibrée.<br />
Ulrika sourit.<br />
—J’ai grandi à l’extrême nord de Kislev, vous savez. Je suis la fille d’un seigneur du Pays des Trolls.<br />
Là-bas, <strong>ce</strong>tte manière de s’habiller est tout à fait normale, c’est un endroit tellement dangereux que même<br />
une femme doit apprendre à combattre et à monter à cheval.<br />
—En effet, les dures contrées engendrent des peuples durs, répondit Holmann avec un signe de tête. Je<br />
suis moi-même originaire de l’Ostermark. C’est également une contrée très rude, mais…<br />
Il sembla réfléchir à quelque chose avant de reprendre finalement.<br />
—Mais il y a quelque chose d’<strong>au</strong>tre en vous. J’ai déjà rencontré de sacrées femmes, vous savez, qui<br />
tenaient bigrement l’alcool et qui savaient manier une épée, mais elles n’avaient pas votre gravité, votre<br />
sens du devoir. Et j’en ai également rencontrés d’<strong>au</strong>tres très pieuses, dévouées à leur dieu et à la<br />
destruction des puissan<strong>ce</strong>s de la Ruine. Elles n’avaient pas non plus votre…<br />
Il s’arrêta à nouve<strong>au</strong>, comme perdu dans son discours. Ulrika entendit soudain son sang accélérer dans<br />
ses veines. La chaleur de son cœur fut subitement <strong>au</strong>ssi forte que <strong>ce</strong>lle des volcans. Cela lui fit un peu<br />
tourner la tête. Elle leva les yeux, surprise. Que se passait-il ? Il se détourna, rouge de confusion, et sa<br />
main se crispa sur le pomme<strong>au</strong> de son épée.<br />
Ulrika s’empêcha de sourire, et même d’éclater de rire. Le brave sire chevalier la trouvait attirante !<br />
—Je vous remercie, messire, lui dit-elle. Je prends tout <strong>ce</strong>ci comme un compliment, venant d’un homme<br />
de votre vertu.<br />
Holmann se passa un doigt dans le col, comme s’il était trop serré.<br />
—C’est juste que… c’est la première fois que je rencontre une femme qui… qui a perdu <strong>ce</strong> que j’ai<br />
moi-même perdu et a fait fa<strong>ce</strong> à <strong>ce</strong> à quoi j’ai dû moi-même faire fa<strong>ce</strong>, et qui en soit ressortie plus forte.<br />
Son visage s’assombrit, comme si <strong>ce</strong>rtains souvenirs refaisaient surfa<strong>ce</strong>, et ses yeux se perdirent <strong>au</strong><br />
loin.<br />
Le sourire d’Ulrika s’estompa. Elle avait été sur le point de se moquer de lui en le prenant pour un fou<br />
incapable d’admettre ses sentiments les plus simples et qui se croyait obligé de les enfouir sous des<br />
mon<strong>ce</strong><strong>au</strong>x de belles paroles, qui tentait de se convaincre lui-même que <strong>ce</strong> qu’il ressentait était peut-être<br />
noble, mais la douleur et la solitude qu’elle avait éprouvées dans ses dernières paroles ne l’avaient plus<br />
amusée du tout. Où donc un homme <strong>au</strong>ssi investi dans sa mission pouvait-il trouver des amis ? Où un<br />
templier pourrait-il trouver une femme assez compréhensive pour ac<strong>ce</strong>pter <strong>ce</strong> qu’il endurait chaque jour ?<br />
Elles devaient être très rares, et <strong>ce</strong>lles qui ne se contentaient pas seulement de comprendre, mais qui<br />
partageaient <strong>ce</strong> farde<strong>au</strong> et <strong>ce</strong>s horreurs devaient l’être encore plus. Il devait se sentir vraiment seul.<br />
Elle le regarda du coin de l’œil alors qu’ils continuaient à marcher. Elle n’avait jamais eu be<strong>au</strong>coup de<br />
sympathie pour les fanatiques ténébreux, si <strong>ce</strong>rtains de leur propre droiture qu’ils s’empressaient sans la<br />
moindre hésitation de condamner le premier venu à la peine capitale pour la moindre broutille. Elle avait