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Elle se leva et se dirigea vers Ulrika qui s’arrêta sur pla<strong>ce</strong>, puis fit un pas en arrière.<br />
—Chaque vampire se doit par obligation envers ses semblables d’être discret. Il doit se nourrir en<br />
privé, vivre à l’écart, car chaque fois que l’un de nous est découvert il nous met tous en danger. Si je te<br />
laissais courir la campagne, massacrant sans dis<strong>ce</strong>rnement, les chasseurs de sorcières ne tarderaient pas à<br />
accourir pour te mettre la main dessus. Ils commen<strong>ce</strong>raient par se demander qui d’<strong>au</strong>tre dans la région<br />
pourrait dissimuler ses crocs. Ils enquêteraient, poseraient des questions et allumeraient leurs lanternes<br />
pour examiner les cryptes. Je ne puis le permettre, tu dois donc être éduquée. Tu dois apprendre à ne pas<br />
te nourrir. Tu dois apprendre à contrôler ta faim avant qu’elle ne te contrôle et qu’elle ne finisse par<br />
t’exposer à la colère du bétail ignorant, et moi avec toi.<br />
La comtesse se détourna d’Ulrika et frappa deux fois dans ses mains. La porte de la piè<strong>ce</strong> circulaire<br />
s’ouvrit et un charmant jeune homme en tenue d’intérieur entra, s’inclina, puis attendit, tête baissée.<br />
—Johannes, ici présent, dit Gabriella, sera très heureux de re<strong>ce</strong>voir ton baiser. Mais il est le plus jeune<br />
de mon cheptel et tu vas devoir être dou<strong>ce</strong> avec lui. Tu vas également devoir faire preuve de patien<strong>ce</strong>.<br />
Elle prit le sablier.<br />
—Pour que tu apprennes à te contenir, tu devras attendre que tout <strong>ce</strong> sable soit tombé avant de goûter à<br />
son sang et quand tu le feras, tu devras le faire sans passion ni violen<strong>ce</strong>, et encore moins de massacre.<br />
Elle renversa le sablier et se dirigea vers la porte.<br />
—Je reviendrai quand tu <strong>au</strong>ras terminé. Bon appétit !<br />
Ulrika entendit à peine la porte se refermer derrière la comtesse, elle ne parvenait pas à quitter des<br />
yeux les grains de sable qui se déversaient dans le réservoir inférieur du sablier. Ils s’écoulaient trop<br />
lentement, comme des flocons capricieux. Ses yeux dérivèrent sur Johannes qui était resté immobile, près<br />
de la porte. Les battements de son cœur résonnaient comme des coups de tambour à ses oreilles. Elle<br />
pouvait sentir sa peur, mais <strong>au</strong>ssi son excitation. Les deux saveurs se mélangeaient comme les fragran<strong>ce</strong>s<br />
d’une fleur s<strong>au</strong>vage, charnelle et ran<strong>ce</strong>, mais surtout enivrante. Ses griffes et ses crocs se déployèrent<br />
d’eux-mêmes lorsqu’elle inspira. Elle les força à se rétracter et il lui fallut mobiliser toute sa volonté<br />
pour <strong>ce</strong> faire.<br />
—Maîtresse… commença-t-il.<br />
—Tais-toi ! la coupa Ulrika. Pas un mot !<br />
Elle jura et détourna le regard. Comment allait-elle réussir ? Elle avait pu se nourrir <strong>au</strong>paravant, mais<br />
jamais après avoir attendu <strong>au</strong>ssi longtemps. Les premières nuits suivant sa libération des griffes de<br />
Krieger, la comtesse l’avait laissée se nourrir une fois par heure, mais toujours en sa présen<strong>ce</strong> et sur des<br />
victimes sur lesquelles elle n’avait nulle vue, <strong>ce</strong> qu’il restait des serviteurs de Krieger que l’on avait<br />
pourchassés à travers toute la Sylvanie. Mais depuis leur retour à Nachthafen, Gabriella avait <strong>au</strong>gmenté<br />
l’espa<strong>ce</strong>ment entre chaque repas et ne l’avait plus laissée se rassasier. Ulrika était à chaque fois restée<br />
sur sa faim, laquelle ne l’avait plus lâchée depuis et elle menaçait désormais de la tuer.<br />
Mais <strong>ce</strong>la n’avait jamais été <strong>au</strong>ssi long, ni <strong>au</strong>ssi pénible. Elle n’avait rien bu <strong>au</strong> cours des deux nuits<br />
précédentes. Bien sûr, elle n’avait fait que compliquer les choses en s’échappant, car la comtesse lui<br />
<strong>au</strong>rait sans doute permis de s’abreuver plus tôt <strong>ce</strong>tte soirée, mais, dans sa démen<strong>ce</strong> sanguinaire, elle<br />
s’était enfuie de sa chambre à peine le soleil couché derrière les arbres et était partie, totalement nue, à<br />
travers la forêt à la recherche de sang humain. Cette folie, le temps perdu pour la retrouver et la petite<br />
leçon qui avait suivi avaient demandé du temps, et elle était plus affamée que jamais.<br />
Elle regarda où en était le sablier. Par les dents d’Ursun ! Il devait être obstrué ! Seule une infime<br />
fraction s’était déversée dans la partie inférieure. C’était insupportable.<br />
Elle se tourna vers Johannes. Les battements de son cœur résonnaient à l’intérieur d’elle-même comme<br />
s’il s’agissait du sien. Il recula en gémissant jusqu’à un panne<strong>au</strong> de bois, Ulrika se rendit alors compte