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posées ép<strong>au</strong>le contre ép<strong>au</strong>le comme des bad<strong>au</strong>ds <strong>au</strong>tour d’un accident de calèche. Il faisait très sombre,<br />
malgré les deux lunes h<strong>au</strong>tes dans le ciel, car <strong>ce</strong>s constructions étaient si élevées que la lumière des deux<br />
astres peinait à atteindre le sol.<br />
Ulrika accueillit l’obscurité avec bienveillan<strong>ce</strong>. Elle l’aiderait à échapper <strong>au</strong>x éventuels guetteurs<br />
pendant qu’elle partirait à la recherche de <strong>ce</strong>tte porte noire, à moins bien sûr que <strong>ce</strong>s guetteurs fussent<br />
dotés d’yeux comme les siens, <strong>ce</strong> qui n’était pas impossible. Malgré les protestations de Mathilda, la<br />
louve restait une suspecte et <strong>au</strong>rait très bien pu envoyer une sorte de serviteur mort-vivant pour accomplir<br />
ses basses besognes. Il se pourrait même, mais <strong>ce</strong> n’était qu’une supposition, que <strong>ce</strong> soit Madame Dagmar<br />
qui soit derrière tout <strong>ce</strong>ci, elle <strong>au</strong>rait alors dissimulé une nature s<strong>au</strong>vage et déviante derrière son<br />
apparen<strong>ce</strong> réservée, même si elle en doutait un peu.<br />
Ulrika examina une porte bien précise, essayant de déterminer si elle était noire, gris sombre ou même<br />
rouge foncé. La nuit, les couleurs perdaient de leur définition. Elle soupira et se détourna pour regarder<br />
de l’<strong>au</strong>tre côté de la ch<strong>au</strong>ssée. Là ! La porte de <strong>ce</strong>tte deuxième demeure après le croisement était<br />
indiscutablement noire, elle était bien plus sombre que toutes les <strong>au</strong>tres et on y avait également tracé un X<br />
blanc à la craie.<br />
La peste. Ce X était le signe de la peste. Ulrika fit par réflexe un pas en arrière, mais elle se souvint.<br />
Que pouvait-elle donc craindre des maladies des humains ? Elle était déjà morte. Elle fit un premier pas,<br />
puis hésita à nouve<strong>au</strong>. La peste pourrait bien être le moindre des dangers qui se tapissaient dans <strong>ce</strong>t<br />
endroit. Il valait mieux observer les environs plutôt que de fon<strong>ce</strong>r bêtement dans un éventuel traquenard.<br />
Elle continua le long de Messingstrasse jusqu’à trouver l’allée qui marquait l’arrière du pâté de maisons.<br />
Aucune de <strong>ce</strong>s constructions n’avait de cour, l’allée était donc très étroite et bordée de murs qui<br />
s’élevaient sur quatre étages. Il y faisait encore plus sombre que dans la petite intersection.<br />
Ulrika s’y aventura <strong>au</strong>ssi silencieusement qu’elle put, les yeux et les oreilles grands ouverts. Elle<br />
entendait des voix, ressentait les cœurs battre tout <strong>au</strong>tour d’elle et per<strong>ce</strong>vait des odeurs de cuisine et de<br />
corps crasseux. La soirée avait à peine commencé et les gens dans <strong>ce</strong>s maisons étaient encore en pleine<br />
activité, chantant, se battant, gémissant ou s’étreignant. Mais lorsqu’elle arriva à l’arrière de la bâtisse<br />
avec la porte noire, les sons et les odeurs humaines s’estompèrent.<br />
Elle étudia la porte arrière. Elle <strong>au</strong>ssi était peinte en noir et portait le même X blanc. Les fenêtres des<br />
étages étaient toutes fermées. Elle per<strong>ce</strong>vait l’odeur de la maladie qui s’était abattue là et <strong>ce</strong>lle des<br />
cadavres depuis longtemps décomposés, ainsi que <strong>ce</strong>lle de la vermine qui s’en était nourrie, mais rien<br />
d’<strong>au</strong>tre. L’endroit était désolé, avait été abandonné à la maladie et personne ne l’avait réoccupé depuis.<br />
Elle avança pour coller son oreille contre la porte. Elle se figea sur pla<strong>ce</strong>. Pas si désolé que ça,<br />
finalement. Elle entendait le bruit de mouvements circonspects et per<strong>ce</strong>vait le battement d’un cœur.<br />
Elle hésita. Elle n’avait rien à craindre d’un seul et unique humain, mais il lui fallait tout de même faire<br />
attention. Il pourrait s’agir du petit sorcier, et il pourrait bien s’envoler à nouve<strong>au</strong> avant qu’elle ne puisse<br />
lui mettre la main dessus ou même invoquer un sortilège qui pourrait la blesser. La serrure avait été<br />
forcée, et tout ré<strong>ce</strong>mment. Les éclats de bois <strong>au</strong>tour d’elle étaient tout frais. Elle appuya sur le battant,<br />
<strong>ce</strong>lui-ci s’ouvrit légèrement en grinçant. Elle l’arrêta d’une main, se glissa dans l’espa<strong>ce</strong> dégagé puis<br />
referma derrière elle.<br />
Ses pieds touchèrent quelque chose et elle se retourna pour regarder <strong>au</strong>tour d’elle. Elle se rendit<br />
compte qu’elle se trouvait <strong>au</strong> milieu de plusieurs cadavres humains, tous tournés en direction de la porte,<br />
comme s’ils avaient cherché à s’échapper par là. P<strong>au</strong>vre bougres, se dit-elle. Morts enfermés.<br />
Elle était dans un couloir qui conduisait tout droit vers la façade de la maison. Il y avait plusieurs<br />
portes et un escalier débouchait en son milieu. À l’<strong>au</strong>tre extrémité, <strong>au</strong>tour de la porte d’entrée, elle<br />
aperçut d’<strong>au</strong>tres cadavres, <strong>ce</strong>s gens n’étaient pas non plus arrivés à échapper à leur sort. Elle aperçut