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Ulrika grogna, mais s’approcha encore. Le sang était si proche. Elle ne pouvait penser à rien d’<strong>au</strong>tre.<br />
Ils ne pourraient pas l’arrêter.<br />
—Lève-toi, mon enfant ! lui cria la femme. Obéis !<br />
Ulrika se figea, mais les mots étaient comme une laisse qui la tirait en arrière. Elle ne pouvait pas lutter<br />
contre eux. Toujours courbée <strong>au</strong>-dessus du paysan, elle tremblait de frustration, mais leva les yeux vers la<br />
femme et le chevalier blond qui arrêtaient leurs montures.<br />
—Lève-toi, lui dit la femme. Laisse-le partir.<br />
—J’ai faim, se plaignit Ulrika.<br />
—Et tu te nourriras, lui répondit-elle en levant une main impérieuse. Mais pas ici. Pas ainsi. Pas<br />
comme une bête. Maintenant, lève-toi.<br />
Elle <strong>au</strong>rait voulu se jeter sur sa tortionnaire, mais elle savait qu’elle ne le pourrait pas, qu’elle n’y<br />
survivrait pas. Elle se redressa avec un grognement contrarié, ses membres nus tremblaient de <strong>ce</strong>tte<br />
violen<strong>ce</strong> contenue, et leva le menton en direction de la femme et du chevalier, par défian<strong>ce</strong>. Le paysan à<br />
ses pieds geignait comme un enfant terrorisé.<br />
Les lèvres du chevalier se retroussèrent de dégoût quand il la regarda de la tête <strong>au</strong>x pieds. Le visage de<br />
la femme était calme et glacé comme <strong>ce</strong>lui d’une statue.<br />
—Tu dois apprendre à te contrôler, petite, lui dit-elle. N’ai-je pas promis à tes amis que je<br />
t’apprendrais à ne pas faire de mal ?<br />
Les visages de ses anciens compagnons éclatèrent dans son esprit. Le poète, le magicien, le nain. Que<br />
penseraient-ils s’ils la voyaient là, nue et s<strong>au</strong>vage, comme un loup ? Elle s’en moquait. Ils n’étaient que<br />
du bétail, après tout.<br />
—Moi, je n’ai rien promis, grommela-t-elle.<br />
—Mais moi, si ! Et je n’ai pas pour habitude de briser un serment, alors tu vas te contrôler. Tu as<br />
compris ?<br />
Ulrika la défia du regard durant de longues secondes, mais finit par baisser la tête.<br />
—Compris, soupira-t-elle.<br />
La femme lui adressa un sourire, mais un sourire glacial.<br />
—Parfait. Viens, monte derrière moi, nous rentrons à Nachthafen.<br />
Ulrika s’écarta du paysan toujours prostré, puis elle s<strong>au</strong>ta directement sur la croupe du cheval. Ils<br />
repartirent vers le chemin en traversant le champ enneigé et Ulrika aperçut à l’entrée de la cahute<br />
plusieurs silhouettes. Un vieil homme, une femme bien plus jeune et deux enfants crasseux, tous vêtus de<br />
misère. Ils s’inclinèrent avec respect lorsqu’ils passèrent devant eux, puis se précipitèrent à l’aide du<br />
p<strong>au</strong>vre paysan, resté là où Ulrika l’avait abandonné.<br />
Ulrika était morte deux semaines plus tôt.<br />
Adolphus Krieger, un vampire à l’ambition démesurée et qui s’était rendu dans la cité assiégée de<br />
Praag à la recherche d’une antique relique de grand pouvoir, l’avait enlevée afin d’échapper à ses amis,<br />
Max Schreiber, Félix Jaeger, Gotrek Gurnisson et Snorri Nosebiter. Krieger avait tout d’abord eu<br />
l’intention de se débarrasser d’elle dès qu’il en <strong>au</strong>rait eu l’occasion, mais il avait fini par se prendre<br />
d’une <strong>ce</strong>rtaine affection pour elle et <strong>ce</strong>la avait s<strong>ce</strong>llé son destin.<br />
Durant le voyage hivernal en direction de la Sylvanie, en compagnie du vampire, sur des <strong>ce</strong>ntaines de<br />
lieues, dans son carrosse, elle avait tout fait pour résister à son charisme surnaturel, mais avait fini par y<br />
succomber et l’avait laissé boire son sang. Après tout, sa volonté ne lui appartenait plus et quand ils<br />
avaient atteint Drakenhof, d’où il pensait lever une armée entière de morts-vivants, elle n’avait pas<br />
résisté non plus quand il lui avait dit qu’il voulait faire d’elle sa reine et lui donner le baiser de sang, <strong>ce</strong>