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vie humaine lui manquaient be<strong>au</strong>coup.<br />
Lorsque Rodrik revint avec le chariot et le carrosse et qu’ils entreprirent de traverser la cité, Ulrika ne<br />
put s’empêcher de faire tourner les lattes des persiennes pour continuer à profiter du spectacle qui lui<br />
était offert. L’odeur de sang ch<strong>au</strong>d était très présente. Le battement de milliers de cœurs résonnait à ses<br />
oreilles en une dou<strong>ce</strong> symphonie. Partout où se posait son regard, il y avait de la viande : soldats, prêtres,<br />
hommes de loi, bouchers, cochers ou marchands, chacun se rendant à ses affaires le visage emmitouflé et<br />
les ép<strong>au</strong>les recouvertes d’une lourde cape, totalement inconscient de la présen<strong>ce</strong> parmi eux de véritables<br />
prédateurs.<br />
En fait, <strong>ce</strong> n’était pas tout à fait exact. Le bétail pouvait ne pas s’en rendre compte en les voyant passer,<br />
ni même démasquer Gabriella <strong>au</strong> premier abord, mais Ulrika pouvait per<strong>ce</strong>voir la peur parmi le cocktail<br />
de senteurs qui flottait dans l’air. Les crieurs de rue lui donnaient un nom.<br />
—Des vampires ont été aperçus dans l’Halbinsel ! déclama l’un d’eux en brandissant une gazette locale<br />
dont la première page portait une illustration pas très réussie de créature munie de longs crocs.<br />
—La fille d’un conseiller soumise <strong>au</strong> test de l’ail ! annonça un <strong>au</strong>tre. Un sou pour lire l’histoire !<br />
—Des sœurs de Shallya emprisonnées <strong>au</strong> Donjon de Fer ! cria un troisième. Des disparitions suspectes<br />
dans les T<strong>au</strong>dis ! Une famille entière portée manquante !<br />
Une femme qui tenait une échoppe vendait des gorgerins de cuir qui remontaient jusqu’<strong>au</strong>x oreilles.<br />
—N’ayez plus peur de vous promener la nuit, belles dames et gentils damoise<strong>au</strong>x ! Protégez-vous avec<br />
un <strong>au</strong>thentique col de chasseur de sorcières !<br />
Une <strong>au</strong>tre proposait des petits marte<strong>au</strong>x d’argent accrochés à des rubans.<br />
—Repoussez le maléfi<strong>ce</strong> grâ<strong>ce</strong> <strong>au</strong> symbole de la puissan<strong>ce</strong> de Sigmar !<br />
Les gens qui empruntaient les rues gadouilleuses ne <strong>ce</strong>ssaient de jeter des coups d’œil par-dessus leur<br />
ép<strong>au</strong>le avant d’entrer chez eux et surveillaient d’un regard suspicieux la moindre ruelle sombre devant<br />
laquelle ils passaient.<br />
La comtesse soupira en constatant l’atmosphère pesante.<br />
—C’est encore pire que <strong>ce</strong> que je craignais. La panique mena<strong>ce</strong> de se répandre dans les rues et la<br />
popula<strong>ce</strong> est <strong>au</strong> bord de se lan<strong>ce</strong>r dans une chasse généralisée. Il f<strong>au</strong>t absolument y mettre un terme.<br />
Ulrika hocha la tête, mais continua d’observer par les persiennes légèrement ouvertes. Le petit convoi<br />
avait tourné dans une rue bien plus calme et était entré dans un quartier plus prospère, le bruit de la foule<br />
s’éloignait progressivement, <strong>ce</strong> qui n’empêchait pas les quelques passants qu’il croisait de se comporter<br />
comme des lapins apeurés. Elle éprouva l’envie de s’élan<strong>ce</strong>r à leur poursuite.<br />
—Mon enfant ? l’appela Gabriella.<br />
Ulrika se crispa et se retourna. La comtesse avait-elle lu dans ses pensées ? Non, elle ne semblait pas<br />
en colère, en fait, elle affichait même un regard détendu, ses mains étaient croisées sur ses genoux et ses<br />
lèvres légèrement retroussées. Qu’est-<strong>ce</strong> qui avait bien pu la rendre <strong>au</strong>ssi nerveuse ?<br />
—Oui, maîtresse ?<br />
—Assieds-toi près de Lotte pour qu’elle puisse te mettre ta perruque, lui dit-elle avec un petit geste de<br />
la main. Il f<strong>au</strong>t nous présenter sous notre meilleur jour.<br />
—Très bien, maîtresse, répondit Ulrika en allant prendre pla<strong>ce</strong> sur l’<strong>au</strong>tre banquette.<br />
La servante sortit le long postiche noir de sa boîte. Il lui tenait ch<strong>au</strong>d et la démangeait un peu, mais<br />
Ulrika comprenait très bien que sa coupe à la garçonne pouvait ne pas convenir dans <strong>ce</strong>rtaines sociétés.<br />
Gabriella lui adressa un léger sourire lorsque Lotte mit en pla<strong>ce</strong> la perruque à l’aide d’épingles.<br />
—Je… j’aimerais te rappeler que tu dois te présenter <strong>au</strong> mieux fa<strong>ce</strong> à Dame Hermione. Tu es ma<br />
pupille, presque mon enfant, et en tant que telle, quoi que tu fasses et quoi que tu dises, <strong>ce</strong>la rejaillira sur<br />
moi et sur la manière dont je t’éduque. J’<strong>au</strong>rais préféré disposer d’une année de plus avant de t’introduire