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Un grand bruit dans son dos lui fit lever la tête et montrer les crocs. Elle regarda autour d’elle,
Gabriella se tenait sur le pas de la porte, Rodrik apparaissait derrière son épaule.
—Assez ! lui dit-elle.
Ulrika réprima un grognement et elle baissa les yeux sur Quentin. Le jeune homme avait la pâleur d’un
mort, il avait deux marques rouges sur son cou et était trempé de sueur. Tout juste eut-il la force d’ouvrir
les yeux.
—Tu es parvenue à contrôler tes instincts les plus sauvages, dit la comtesse en entrant dans la pièce. Et
je te félicite pour ça, mais maintenant, tu dois apprendre la modération.
Rodrik s’approcha du lit et il jura dans un souffle en voyant l’état du pauvre garçon.
—Satanée gamine, il va lui falloir des jours pour se remettre.
Gabriella ignora ses remarques et tendit une main à Ulrika pour l’aider à se lever du lit.
—Félicitations, mon enfant. Tu es sur la bonne voie.
Ulrika avait du mal à se tenir debout, comme enivrée par tout ce sang. Elle fit tant bien que mal une
révérence.
—Merci, maîtresse. J’ai craint tout de même d’échouer à nouveau.
—Tu apprends vite. Je suis fière de toi.
La poitrine d’Ulrika se gonfla de fierté. Elle aussi était contente d’elle. Elle avait maîtrisé la bête en
elle, malgré la puissance de celle-ci. Elle avait démontré que sa volonté était plus forte que sa nature.
Pourtant, un autre regard vers Quentin lui tordit l’estomac et la fit se sentir sale. Fallait-il être fière de
faire subir cela à un être humain ?
Il leva vers elle un regard faible et tendit une main tremblante pour attraper la sienne.
—Maîtresse, soupira-t-il. Je suis à vous à jamais.
Elle préféra se détourner, malade, et retira sa main. C’était si offensant pour elle de voir un homme
aussi robuste dans un tel état de faiblesse et de servitude, et elle-même était responsable de cela. Elle
ressentit de la pitié pour lui, ainsi que pour elle-même. À moins que ce ne soit que l’effet de l’ivresse.
—Et si ce même duc veut toucher ta poitrine ? lui demanda la comtesse Gabriella. Ou s’il te pince les
fesses ?
—Je lui envoie une bonne baffe, répondit Ulrika. Et s’il recommence, je le défie en duel !
La comtesse soupira.
—Non, ma belle enfant, tu ne le défies pas en duel. Au mieux, tu lui tapes sur la main avec ton éventail,
mais toujours avec un charmant sourire et un léger battement de cils.
—Par les dents d’Ursun. Que je sois damnée si je fais ça ! rétorqua Ulrika. D’ailleurs, je n’ai même
pas d’éventail.
La comtesse et elle étaient à nouveau assises dans le carrosse qui filait bon train sur le sol enneigé.
Elles étaient côte à côte sur l’une des banquettes, Lotte et le pauvre Quentin occupaient l’autre, elle le
nourrissait à la cuillère d’un potage épais et bien chaud. C’était la nuit suivant la journée passée dans
cette auberge, ils devaient quitter la Sylvanie pour pénétrer dans le Stirland après le lever de la lune, puis
poursuivre jusqu’à Eicheshatten pour retrouver le bateau qui leur ferait descendre l’Aver jusqu’à Nuln.
—Dans ce cas, tu dois apprendre à en utiliser un, reprit la comtesse. Et avec autant de dextérité que tu
manies ton épée.
Elle ouvrit le sien d’un geste pour illustrer ses propos et l’agita devant son visage.
—Tu es peut-être une noble, mais tes manières de fille de boyard du Pays des Trolls sont très éloignées
de celles d’une dame de cour de la comtesse Emmanuelle von Liebwitz, l’autorité régnante à Nuln. Tu
dois apprendre à flirter et à danser, à participer à une conversation en laissant ton interlocuteur parler, à