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CHAPITRE TROIS
LA VOIE DES LAHMIANES
Ulrika serra les poings, ses griffes sorties appuyèrent contre sa paume, elle luttait de toutes ses forces
pour ne pas se jeter sur le jeune chevalier. Elle ne pouvait pas échouer, cette fois-ci. Elle ne devait pas !
Elle parvint à se reprendre un peu et lui fit face, puis elle se dirigea vers la table sur laquelle était posé
le sablier.
—Reste loin de moi, lui dit-elle. Le plus loin possible. Près de la cheminée.
—Très bien, maîtresse, répondit le chevalier.
—Et pas un mot ! Ne fais pas de bruit. Je veux oublier que tu es là.
—Est-ce que… est-ce que je peux m’asseoir ?
—Oui, oui… Mais tais-toi !
Elle l’entendit tirer un tabouret près de l’âtre, elle-même s’installa dans un fauteuil près de la table, en
lui tournant le dos. Elle ramassa le livre que Gabriella lui avait donné. La Diaspora Néhékharienne, un
ouvrage relatant l’histoire de Neferata et de Nagash. Elle l’ouvrit à la page où elle l’avait laissé et essaya
de lire.
Bien sûr, elle n’alla pas bien loin. Ces noms étrangers, W’soran, Abhorash, Ushoran, ne cessaient de
tourbillonner dans sa tête et elle se surprit à relire la même phrase encore et encore. Et le fait que Quentin
demeurait silencieux ne changeait rien non plus, elle percevait toujours son odeur et entendait le sang
battre dans ses veines comme les claquements d’ailes d’un faucon. Ses yeux restaient ouverts sans rien
voir, au-dessus de la même page, tous ses autres sens étaient tournés vers ce qui se passait dans son dos
et guettaient la moindre variation dans la respiration ou le rythme cardiaque du jeune homme.
Comment allait-elle parvenir à résister ? Elle n’avait aucun doute sur le fait que la comtesse
n’hésiterait pas à la détruire si elle échouait. Gabriella paraissait avoir une certaine affection pour elle,
mais cela avait été également le cas pour Johannes et elle l’avait laissé se faire étriper sans la moindre
hésitation. Ulrika était persuadée que si elle la décevait, la comtesse n’aurait aucun scrupule à se
débarrasser de ce qui deviendrait pour elle un fardeau. Elle en comprenait même la nécessité. Si chacun
de ses rejetons risquait de devenir un nouveau Krieger, les abandonner à eux-mêmes aurait été une folie.
Il lui fallait les contrôler ou les éliminer.
Ulrika se sentait toute proche de la mort. Si elle ne parvenait pas à se maîtriser, elle était perdue. Il
existait bien entendu une autre option, les fenêtres de la pièce n’avaient pas de barreaux. Elle pourrait se
sauver à nouveau et cette fois-ci, se trouver une bonne cachette et elle n’aurait plus à se soucier de se
maîtriser.
Son regard dériva vers l’une des fenêtres. Cette possibilité était bien tentante. Quelle perspective
glorieuse que de se lâcher totalement, de laisser cet animal en elle prendre le dessus et partir chaque nuit
à la chasse, comme un loup. Quelle joie que de courir et hurler, d’abattre sa proie après l’avoir
pourchassée et de la vider de son sang.