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—Et vous, à quel échelon êtes-vous dans cette hiérarchie ?
Gabriella leva un sourcil et Ulrika baissa la tête vers le plancher.
—À quel échelon êtes-vous, maîtresse ? répéta-t-elle entre ses dents.
—Voilà qui est mieux, dit Gabriella. Je suis un peu au-dessus de la moitié de l’échelle. Ma mission au
cours de ces deux derniers siècles a été de veiller sur la Sylvanie au nom de ma reine. De m’assurer que
des lunatiques comme Krieger et d’autres ne soient pas tentés de faire revenir l’époque des von Carstein.
Mais j’ai pu être envoyée ailleurs en cas de besoin, comme c’est le cas aujourd’hui.
—Et en ce qui concerne ces événements à Nuln ? demanda Ulrika. Maîtresse, se hâta-t-elle d’ajouter.
—Très bien.
Gabriella prit le temps d’écarter le lourd rideau de devant la fenêtre pour porter son regard sur la nuit
d’hiver.
—Nuln est en proie à de sérieux troubles. Nous avons six sœurs là-bas, deux ont été tuées ces deux
dernières semaines, mises en pièces par un agresseur inconnu. Pire, leurs corps ont été exposés aux yeux
du bétail, crocs et griffes dehors, ce qui a déclenché la panique dans les rues. Les deux sœurs étaient des
personnes prééminentes au sein de la société locale. L’une était Dame Rosamund von Andress, maîtresse
d’un général influent. L’autre était Karlotta Herzog, qui avait comme couverture une place d’abbesse de
Shallya. Elles étaient également les Lahmianes les plus haut placées à Nuln, ce qui rend leurs morts
doublement suspectes.
—Vous soupçonnez une sorte de coup d’état ? demanda Ulrika.
L’expérience de la politique kislévite lui avait laissé entrevoir ce à quoi pouvait ressembler ce genre
d’action.
—Pas de la part d’une autre Lahmiane, répondit Gabriella. L’exposition au grand jour de Rosamund et
Karlotta a poussé les chasseurs de sorcières à suspecter la moindre femme d’influence d’être une
vampire. Aucune Lahmiane ne prendrait ce risque, dit-elle en secouant la tête. La reine m’a demandé
d’aller aider nos sœurs à découvrir le meurtrier, de le neutraliser et de mettre un terme à cette situation
d’une manière ou d’une autre, puis de faire en sorte que le bétail oublie à nouveau notre existence.
—Avez-vous une idée de la manière dont vous allez procéder, maîtresse ?
Gabriella ferma les yeux.
—Pas la moindre. Les choses ne seraient déjà pas simples si je pouvais compter sur la coopération de
mes sœurs sur place, mais je doute que cela soit le cas.
—Et pourquoi cela ?
—Avec la disparition de Dame Rosamund et Sœur Karlotta, soupira Gabriella, la sœur la plus
ancienne à Nuln est Dame Hermione von Auerbach. Et… nous avons eu un petit différend.
Ulrika attendit que la comtesse lui en dise plus, mais cette dernière resta silencieuse.
—Un différend, maîtresse ?
Gabriella ouvrit les yeux et lui adressa un petit sourire.
—Les positions importantes au sein de notre hiérarchie sont plutôt rares, mon enfant, et seul un nombre
limité d’entre nous peut s’intégrer dans une cité sans risquer d’éveiller les soupçons. Dame Hermione et
moi avons été converties à peu près à la même époque et nous avons, tout au long de notre non-vie,
convoité les mêmes positions. Altdorf, Nuln, Miragliano, Couronne. J’ai parfois eu le dessus, parfois ce
fut elle, mais contrairement à moi, elle n’a jamais considéré cela comme une compétition amicale.
Le sourire de la comtesse devint un peu plus féroce.
—C’est elle qui a rappelé à la reine que Krieger était mon rejeton et a fait en sorte que je sois envoyée
dans ce trou perdu de Nachthafen en Sylvanie pour que je le surveille.
Elle renifla et son sourire s’évanouit.