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d’imaginer <strong>ce</strong>tte créature qu’elle avait révélée la nuit précédente, <strong>ce</strong>lle <strong>au</strong>x yeux rouges, avec ses longs<br />
crocs et qui avait dépecé <strong>ce</strong> jeune garçon avant de vomir ses organes sur le sol, porter des toilettes <strong>au</strong>ssi<br />
exquises. Elle ne parvenait pas à faire le lien. Mais il y avait <strong>au</strong>tre chose.<br />
Elle fit fa<strong>ce</strong> à la comtesse et s’inclina devant elle.<br />
—Je vous remercie. Je… je ne suis pas sure de les mériter, mais je les porterai avec joie. Mais…<br />
Gabriella leva un sourcil, une étin<strong>ce</strong>lle dangereuse dans le regard.<br />
—Mais ?<br />
Ulrika s’inclina à nouve<strong>au</strong>.<br />
—Pardonnez-moi, mais comment pourrai-je me battre avec <strong>ce</strong>s robes ?<br />
Gabriella se redressa.<br />
—Tu ne te battras pas, lui répondit-elle avec fermeté. Se battre n’est pas dans les manières des<br />
Lahmianes, ajouta-t-elle en repartant vers la porte, toute efferves<strong>ce</strong>n<strong>ce</strong> envolée.<br />
Elle s’arrêta et regarda par-dessus son ép<strong>au</strong>le.<br />
—Et tu dois apprendre à faire la révéren<strong>ce</strong>. Ce sont les hommes qui s’inclinent.<br />
Ulrika se sentit soudain embarrassée. Elle ne savait pas faire la révéren<strong>ce</strong>. Jamais elle n’en avait fait<br />
de toute sa vie.<br />
Ils quittèrent Nachthafen quelques heures avant l’<strong>au</strong>be dans un luxueux carrosse <strong>au</strong>x fenêtres masquées de<br />
lourds ride<strong>au</strong>x. À l’intérieur voyageaient la comtesse, Ulrika et Lotte, une rousse potelée qui était la<br />
servante personnelle de Gabriella. L’équipage était complété par un chariot pour les bagages, une escorte<br />
de huit chevaliers conduits par Rodrik, deux valets, deux cochers et huit chev<strong>au</strong>x de rechange. L’idée était<br />
de rouler toute la matinée jusqu’à midi, passer l’après-midi dans une <strong>au</strong>berge, puis repartir dès le<br />
coucher du soleil. Le voyage prendrait huit nuits de route jusqu’à Eicheshatten, où ils prendraient un<br />
bate<strong>au</strong> qui des<strong>ce</strong>ndrait le fleuve Aver jusqu’à Nuln en six jours de plus. La comtesse n’aimait pas trop<br />
voyager par voie fluviale, mais la situation à Nuln semblait être sérieuse et la vitesse était une né<strong>ce</strong>ssité.<br />
—J’espère que nous arriverons à temps, soupira-t-elle en enlevant son chape<strong>au</strong> et son voile pour les<br />
poser sur la banquette de cuir à côté d’elle.<br />
—Que se passe-t-il là-bas ? demanda Ulrika. Vous n’en avez rien dit.<br />
Gabriella retroussa les lèvres.<br />
—Que se passe-t-il là-bas, maîtresse, la reprit-elle. Je suis ta maîtresse, mon enfant, et tu dois<br />
t’adresser à moi de <strong>ce</strong>tte manière.<br />
—Une comtesse n’est pas supérieure à une boyarina, rétorqua Ulrika en levant le menton.<br />
La comtesse laissa échapper un petit rire.<br />
—Ces titres que nous portons à l’attention du monde extérieur n’ont <strong>au</strong>cune signification pour notre<br />
sororité, très chère Ulrika. Je ne suis pas née comtesse et tu n’es plus une boyarina. Le seul rang qui ait un<br />
véritable sens est <strong>ce</strong>lui offert <strong>au</strong> sein de notre société, et en <strong>ce</strong>t instant même, tu es toi-même tout en bas<br />
de l’échelle. En fait, tu es même encore plus bas que <strong>ce</strong>la, car tu n’es pas née d’une de nos sœurs. Tu n’es<br />
qu’une enfant adopté et il te f<strong>au</strong>dra démontrer ta loy<strong>au</strong>té et ton utilité avant d’être totalement ac<strong>ce</strong>ptée en<br />
notre sein.<br />
Ulrika se sentit outragée et serra les poings.<br />
La comtesse se rendit compte de son trouble et elle lui adressa un petit sourire attristé.<br />
—Je ne voulais pas t’offenser, ma belle. Je ne faisais que t’exposer la vérité. Je sens en toi un énorme<br />
potentiel et tu pourrais t’élever très h<strong>au</strong>t parmi nous, mais tu commen<strong>ce</strong>s avec un désavantage <strong>ce</strong>rtain et il<br />
v<strong>au</strong>t mieux que tu en aies conscien<strong>ce</strong>.<br />
Ulrika hocha la tête.