09.06.2013 Views

Télécharger ce livre au format PDF

Télécharger ce livre au format PDF

Télécharger ce livre au format PDF

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

—O… oui, maîtresse, bredouilla la servante, puis elle commença à déboutonner son chemisier gris.<br />

Ulrika observa la scène en réalisant <strong>ce</strong> que venait de demander la comtesse. Elle voulait que Lotte soit<br />

prise pour elle si jamais la foule les attrapait. Elle allait sans la moindre hésitation donner la p<strong>au</strong>vre fille<br />

en pâture à <strong>ce</strong>s chiens et Lotte s’exécutait avec la plus grande docilité.<br />

—Heu… maîtresse ? osa-t-elle, mal à l’aise.<br />

—Ne t’inquiète pas, répondit simplement Gabriella en s’extirpant de son corsage de soie. Je<br />

m’occuperai de toi si besoin est.<br />

Ulrika se tut. Ce n’était pas sa question, mais <strong>ce</strong> qu’elle s’apprêtait à dire mourut sur ses lèvres<br />

également. Discuter de l’existen<strong>ce</strong> d’une esclave pourvoyeuse de sang <strong>au</strong>rait été inutile. Cela ne<br />

changerait rien. Elle ne ferait qu’aga<strong>ce</strong>r Gabriella et plonger Lotte dans l’embarras. Et puis, en y<br />

réfléchissant, elle se savait elle-même capable de sacrifier toute une armée de servantes pour s<strong>au</strong>ver la<br />

vie de la comtesse ou la sienne. Il ne s’agissait après tout que de bétail. C’était juste la froideur<br />

préméditée de <strong>ce</strong>tte annon<strong>ce</strong> qui l’avait fait grima<strong>ce</strong>r. Cela n’avait rien eu de cruel. Quand elle avait<br />

chassé avec son père, elle avait elle-même tué le gibier rapidement et proprement. Elle n’avait jamais<br />

aimé les voir souffrir ou mis en piè<strong>ce</strong> par la meute.<br />

Uwe finit par achever son demi-tour et ils entamèrent leur trajet par les rues de traverse <strong>au</strong> milieu des<br />

T<strong>au</strong>dis, s’attendant à chaque coin de rue à voir la horde se jeter en travers de leur route. Ulrika eut<br />

l’impression de se retrouver prise dans une sorte de torrent humain et de se débattre pour regagner la<br />

rive. La panique s’était répandue dans tout le secteur <strong>au</strong> sud du fleuve, les gens semblaient profiter de<br />

<strong>ce</strong>tte chasse <strong>au</strong>x vampires pour régler entre eux n’importe quel différend. Les devantures des échoppes<br />

étaient fracassées et les marchandises pillées. Écartant légèrement les persiennes, elle aperçut des<br />

hommes en train de faire rouler des tonne<strong>au</strong>x de bière devant eux en rigolant. D’<strong>au</strong>tres faisaient sortir des<br />

femmes âgées de chez elles et les jetaient dans la boue. L’odeur de la chair carbonisée était<br />

omniprésente.<br />

Ils passèrent devant un bûcher qui terminait de brûler <strong>au</strong> milieu d’une petite pla<strong>ce</strong> entourée de forges et<br />

d’ateliers. Ulrika sourit amèrement, projetant son ressentiment vis-à-vis du comportement de Gabriella<br />

sur <strong>ce</strong>s gredins qui avaient placé deux hommes sur le bûcher, fa<strong>ce</strong> à fa<strong>ce</strong> comme dans une sorte d’étreinte.<br />

Elle frissonna. Ce jour était un de <strong>ce</strong>ux où il valait mieux se cacher de vos semblables si vous étiez<br />

étrange ou particulièrement be<strong>au</strong>, ou bien si vous aviez comme vilaine habitude de rester un peu trop à<br />

l’écart. Toute personne un peu en marge de la société risquait de finir brûlée, la chasse <strong>au</strong>x vampires<br />

n’étant qu’un prétexte. Elle <strong>au</strong>rait voulu pouvoir s<strong>au</strong>ter <strong>au</strong> bas du carrosse et courir massacrer <strong>ce</strong>tte foule<br />

détestable jusqu’à l’ultime braillard ou mégère hystérique.<br />

Une rue plus loin, le changement de vêtements était terminé, Gabriella avait revêtu la tenue de servante<br />

de Lotte, <strong>ce</strong>tte dernière portait les riches atours de la comtesse. Ni l’une ni l’<strong>au</strong>tre ne paraissait<br />

réellement convaincante dans son rôle. Le regard de Gabriella était bien trop assuré pour être <strong>ce</strong>lui d’une<br />

fille de maison, et les yeux de Lotte étaient bien trop effrayés pour appartenir à une imperturbable<br />

aristocrate. Ulrika doutait <strong>ce</strong>pendant que la foule en furie distinguât <strong>ce</strong>tte nuan<strong>ce</strong>.<br />

Elle baissa le regard vers sa propre robe et les paroles de Gabriella prirent soudain leur signification.<br />

Comment diable la comtesse allait-elle faire pour régler <strong>ce</strong>la ? Que pourrait-elle bien faire pour la<br />

s<strong>au</strong>ver, vêtue comme elle l’était ? Un frisson lui traversa l’échine lorsqu’une pensée la frappa. Peut-être<br />

Gabriella n’avait-elle cherché qu’à la rassurer, comme elle l’avait fait pour Lotte. Peut-être allait-elle la<br />

<strong>livre</strong>r elle <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong>x chiens ?<br />

Le carrosse ralentit, puis s’arrêta. Les trois femmes levèrent des yeux nerveux.<br />

—Nous approchons du Brukestrasse, maîtresse ! annonça Uwe. Le pont n’est qu’à deux rues plus <strong>au</strong><br />

nord, mais il y a… du monde devant.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!