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Ulrika grimaça en aper<strong>ce</strong>vant quatre d’entre eux transporter sur leurs ép<strong>au</strong>les une chaise sur laquelle<br />
avait été attachée une p<strong>au</strong>vre fille à moitié nue et qui avait déjà souffert de terribles sévi<strong>ce</strong>s. Les <strong>au</strong>tres<br />
lui envoyaient des cailloux, des mottes de terre ou des crachats. Elle ne devait pas avoir plus de quinze<br />
ans. En même temps, même si elle se sentait honteuse de l’admettre, Ulrika se sentait un peu soulagée. Si<br />
<strong>ce</strong>s fous furieux pensaient avoir mis la main sur leur proie, alors peut-être ne prêteraient-ils pas attention<br />
à leur équipage. Puis elle comprit bien vite que <strong>ce</strong>t espoir n’était qu’une dou<strong>ce</strong> folie, la foule était bien<br />
trop avancée dans sa démen<strong>ce</strong> pour se satisfaire d’une seule et unique victime.<br />
Elle vit un groupe d’hommes inter<strong>ce</strong>pter une femme d’âge moyen qui tentait de progresser à contrecourant,<br />
la jeter à terre et lui ouvrir la bouche de for<strong>ce</strong> pour lui examiner les dents. Ils semblèrent déçus<br />
de <strong>ce</strong> qu’ils découvrirent, ils abandonnèrent la femme en larmes et coururent se chercher une nouvelle<br />
proie.<br />
Ulrika tenta de repousser la vague d’inquiétude qui se répandit dans sa poitrine. Nuln était à point. Ces<br />
rumeurs de vampires n’avaient été que le bois mort du bûcher, que l’on avait empilé et empilé encore tout<br />
<strong>au</strong> long des dernières semaines, attendant que l’on trouve quelqu’un à brûler. Ce m<strong>au</strong>dit capitaine Schenk,<br />
avec ses provocations, n’avait fait que mettre le feu <strong>au</strong>x poudres et l’<strong>au</strong>todafé avait été allumé. Le<br />
problème était que <strong>ce</strong>la menaçait rapidement d’échapper à tout contrôle et risquait bien, si personne<br />
n’intervenait pour éteindre l’in<strong>ce</strong>ndie, de réduire en <strong>ce</strong>ndres Nuln toute entière.<br />
—Nous ne pouvons pas rester là, maîtresse, dit Uwe. Nous devons bouger !<br />
—Oui, répondit Gabriella pensive. Mais pour aller où, et comment ?<br />
—Nous quittons <strong>ce</strong>tte cité ? demanda Ulrika avec un brin d’espoir.<br />
—Non, je dois revoir Hermione, répondit la comtesse en secouant la tête. Je n’arrive pas à croire<br />
qu’elle ait pu envoyer les chasseurs de sorcières contre nous, mais si c’est le cas, je dois en être <strong>ce</strong>rtaine.<br />
Ce serait un crime qu’il me f<strong>au</strong>drait aller rapporter à la reine. Uwe ! Vers le pont ! Mais restez dans les<br />
rues secondaires !<br />
—Très bien, maîtresse !<br />
Ulrika l’entendit s<strong>au</strong>ter de son siège et faire faire demi-tour <strong>au</strong> carrosse malgré le manque d’espa<strong>ce</strong>.<br />
—Les chasseurs de sorcières ne vont pas surveiller le pont ? demanda-t-elle. Il en existe un <strong>au</strong>tre ?<br />
—Il y en a en effet un <strong>au</strong>tre, répondit Gabriella. Mais l’île du Donjon de Fer se trouve <strong>au</strong> be<strong>au</strong> milieu et<br />
c’est le lieu de garnison des chasseurs de sorcières. J’ai peur de ne pas avoir le courage de les affronter,<br />
alors j’espère que nous pourrons atteindre le Grand Pont avant Schenk.<br />
—Et dans le cas contraire ?<br />
Gabriella secoua la tête, puis éclata d’un rire presque hystérique.<br />
—Nous verrons…<br />
Elles se rassirent <strong>au</strong> fond des banquettes et attendirent qu’Uwe ait terminé sa manœuvre, le vacarme de<br />
la foule résonnait toujours depuis l’extrémité de la rue. Ulrika adressa une prière <strong>au</strong>x dieux de son père<br />
afin que personne n’ait l’idée de venir dans leur direction à la recherche d’une victime potentielle. Elles<br />
se retrouveraient piégées et incapables de s’enfuir.<br />
La comtesse tapait nerveusement du pied sur le plancher et son regard dérivait ici et là, comme si elle<br />
essayait de rassembler ses pensées. Au bout de quelques secondes, elle referma les persiennes et se<br />
tourna vers une Lotte très pâle qui était restée tout <strong>ce</strong> temps assise les mains serrées <strong>au</strong>tour des genoux.<br />
—Lotte, ma petite. Nous allons échanger nos vêtements. Enlève ta robe et ton corsage.<br />
Lotte ouvrit de grands yeux.<br />
—Madame ?<br />
Gabriella lui adressa un sourire rassurant et commença à déla<strong>ce</strong>r ses propres habits.<br />
—Allez, mon enfant. Tout ira bien, sois un ange.