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Ulrika se remit enfin sur ses pieds et s’élança à la poursuite du sorcier. Elle trébucha d’abord contre
quelque chose de mou, puis contre le rebord d’une table.
—Arrête-toi ! lui lança-t-elle avant de se relever.
Elle serra d’une main son épaule douloureuse et boitilla vers le bruit de course qui s’éloignait. Ce n’est
que lorsqu’elle contourna les restes d’une table qu’elle se rendit compte qu’elle parvenait à voir de
nouveau. L’obscurité surnaturelle se dissipait. Elle regarda autour d’elle et se précipita vers la porte.
Toute la pièce était un véritable chantier. Le moindre meuble était brisé et les bûches du feu avaient été
éparpillées, provoquant des débuts d’incendies. La grande fenêtre donnant sur la façade, qui avait été
jusque-là bien calfeutrée, était éventrée et ouvrait sur la nuit noire.
Elle aperçut alors la comtesse Gabriella accroupie derrière la baignoire, tête baissée et les bras autour
d’elle, sa robe déchirée et trempée de sang. Ulrika s’arrêta et revint en arrière, la mystérieuse bête et le
petit homme soudain totalement oubliés.
—Maîtresse, s’écria-t-elle en s’agenouillant près d’elle. Vous êtes blessée ?
—Oh oui, lui répondit Gabriella dans à peine plus qu’un souffle. Et sérieusement.
Elle s’effondra contre Ulrika, ses bras tombèrent sur ses cuisses, laissant échapper une mince dague qui
glissa sur le sol.
Ulrika ouvrit la bouche quand elle aperçut les blessures de la comtesse à travers ce qu’il restait de sa
robe de soie. Sa poitrine et son ventre étaient profondément entaillés et l’os de son bras droit était même
visible entre quatre larges coupures. Des éclats de bois et de verre étaient plantés dans ses jambes et son
visage.
—Vas chercher Imma, s’il te plaît, murmura-t-elle. Je dois boire.
—Tout de suite, maîtresse, répondit Ulrika, puis elle se leva pour trouver où était la servante. Elle la
vit au milieu des débris, allongée sur le sol, les yeux vers le plafond. Son visage était figé dans une
expression de surprise.
—Imma ! Debout !
La servante ne réagit pas.
Ulrika contourna un fauteuil fracassé et s’approcha d’elle.
—Imma…
La pauvre fille n’était pas morte, mais cela ne tarderait pas. Ses deux bras étaient pliés selon des
angles invraisemblables et un pied de table brisé lui sortait du ventre, là où elle s’était empalée dessus.
Elle tourna un regard vide vers Ulrika.
—Maîtresse… ?
Ulrika jura, puis elle se baissa pour la soulever de la table retournée et la porta jusqu’à Gabriella. Le
sang qui s’écoulait par la blessure dans le dos d’Imma lui trempa les poignets.
—Elle est mourante, maîtresse, dit Ulrika en posant la servante sur le parquet.
Imma gémit, mais elle parvint à tourner les yeux vers la comtesse.
—Je suis désolée, maîtresse. Ça fait tellement mal.
—Oh, c’est moi qui suis désolée, répondit Gabriella en lui passant doucement une main dans les
cheveux. Je vais calmer ta douleur. Tu le veux ?
—Oh oui, maîtresse, murmura Imma.
Gabriella fit signe à Ulrika de soulever Imma pour la poser entre ses bras, puis elle abaissa ses crocs
contre le cou lacéré de la jeune femme et but. Imma hoqueta, soupira et ferma les yeux, son visage
retrouva sa sérénité.
Ulrika regarda avec stupeur les blessures de la comtesse se refermer progressivement. Même les pires
d’entre elles, sur son bras gauche, s’estompèrent sans toutefois parvenir à disparaître totalement.