Télécharger ce livre au format PDF

toujours, elle entendait des cris et des grondements et des meubles que l’on fracassait tout autour d’elle.
Et elle pouvait également sentir. Sang, fumée, la peur d’Imma, Gabriella, mais surtout, comme une
couverture qui aurait recouvert toutes ces senteurs, la puanteur de cadavres laissés à pourrir sous la pluie
durant une semaine. L’assassin. Il était là !
Elle se jeta en direction de l’odeur en donnant de grands coups de sabre à l’aveuglette et elle atteignit
quelque chose qui se mit à gronder. Un gourdin ou un poing la frappa en plein visage et l’envoya
valdinguer parmi des débris de meubles brisés. Des étoiles pétillèrent devant ses yeux ouverts.
Elle s’assit, étourdie, entendit des pas précipités s’éloigner d’elle et perçut une autre odeur qu’elle
connaissait déjà. Cette odeur de girofle. Le petit homme dans les égouts.
—Toi ! ricana-t-elle, puis elle porta un grand coup de sabre.
L’homme dissimulé se gaussa et lui décocha un coup de botte en pleine tempe, puis s’écarta à nouveau
hors de portée quand elle se redressa. Il peut voir, se dit-elle.
—Ulrika ! lui parvint la voix de Gabriella. C’est toi ?
—Oui, maîtresse ! put-elle tout juste grogner.
—Sauve-toi ! Va trouver Hermione ! Va…
Elle entendit un choc sourd, la voix de la comtesse s’éteignit dans un hoquet.
Ulrika se leva et bondit à nouveau dans la direction d’où venait la puanteur, abattant son épée avec
force. Un pied invisible se mit en travers du sien et elle s’étala de tout son long. Elle donna un coup de
sabre vers les pas qui s’écartaient d’elle et fut récompensée cette fois-ci par un sifflement de douleur,
l’obscurité sembla vouloir se dissiper le temps d’un clignement d’œil, mais elle retomba tout aussitôt.
Elle put pourtant apercevoir dans ce bref instant le petit sorcier tituber en arrière en se serrant la jambe
par-dessus ses robes, et l’ombre d’une immense silhouette soulevant d’énormes poings griffus au-dessus
d’une tête difforme. Puis tout redevint noir.
Elle roula de côté. Elle n’avait pas le temps de courir après le petit bonhomme. Elle se jeta, sabre en
avant, là où elle espérait que trouvait la bête qui avait projeté cette ombre colossale, et son arme
rencontra de la chair. Un autre cri animal, ainsi que le sifflement d’un courant d’air. Cette fois-ci, elle put
s’écarter à temps, ou presque à temps. Les griffes lui éraflèrent le crâne et une oreille, mais au moins ne
fut-elle pas à nouveau balancée à travers la pièce. Elle frappa devant elle et réussit à atteindre du tissu et
de la chair.
Un véritable coup de marteau lui écarta son sabre et une main large comme une pagaie lui enserra la
poitrine et la souleva du sol. Elle se débattit, mais une autre main lui attrapa la tête, tentant de la lui
écraser, puis de la lui arracher. Elle sentit ses vertèbres craquer. La douleur était terrible, elle planta ses
griffes dans les énormes doigts, arrachant des morceaux de chair, mais la force de son agresseur était bien
supérieure à la sienne et, par conséquent, bien supérieure à celle d’un humain ordinaire. Elle ne pouvait
rien faire.
—Murnau ! tomba la voix du sorcier. Derrière toi !
Elle entendit le bruit caractéristique d’une lame s’enfonçant dans la chair et soudain, la chose qui
l’avait maintenue hurla de douleur et la jeta au loin. Elle vola dans les airs, heurta quelque chose d’étroit
qu’elle brisa net, puis atterrit sur ce qui sembla être un lit effondré.
Un autre coup de lame et un autre hurlement inhumain. Elle essaya de se relever.
—Moi aussi, j’ai une griffe ! lui parvint la voix enragée de Gabriella. Tu vois, hein ? Tu vois ?
De lourds bruits de pas résonnèrent sur le plancher, puis elle entendit le fracas d’une vitre éclatée et
sentit un courant d’air glacé la frapper au visage.
—Maudit trouillard ! croassa le petit homme, puis ce furent ses pas à lui qui se précipitèrent vers le
couloir.