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—Depuis le grand in<strong>ce</strong>ndie ? Vous voulez dire que des secteurs entiers de <strong>ce</strong> cimetière n’ont plus été<br />
visités depuis trois ans ?<br />
—Nous n’osons pas y aller ! plaida le prêtre. Il y a toujours les miasmes de la maladie. Ce n’est pas<br />
sûr !<br />
—Ce n’est pas la peste que vous craignez, ricana Holmann. Mais des racontars de vieilles femmes !<br />
Des rats qui marchent comme des hommes ! Pouah ! Savez-vous que c’est une hérésie que de croire en<br />
leur existen<strong>ce</strong> ?<br />
—Mais je n’y crois pas ! s’écria l’homme.<br />
Ulrika, pour sa part, y croyait. Elle avait même dû défendre la demeure de son père contre eux, mais<br />
elle trouva plus sage de n’en rien dire dans l’immédiat.<br />
—Aucune importan<strong>ce</strong>, dit Holmann. Et où sont <strong>ce</strong>s endroits où les prêtres de Morr ont peur de<br />
s’aventurer ? Je veux les voir.<br />
—Heu… je ne vais pas vous y conduire, gémit le prêtre. Je ne veux pas tomber malade !<br />
—Vous n’avez qu’à m’indiquer leur direction, lui dit Holmann entre ses dents. Je ne voudrais pas de<br />
vous pour m’y accompagner, je préfère plus brave compagnie, ajouta-t-il en désignant Ulrika du menton.<br />
Ulrika pencha la tête en guise de remerciement et dissimula un petit sourire. Le templier Holmann était<br />
réellement impressionnant dans son rôle de guerrier de Sigmar.<br />
Une fois hors de vue du portail et du temple principal, le Jardin de Morr devenait un véritable océan<br />
dédié <strong>au</strong>x défunts. Des petits talus recouverts de bosquets de rosiers noirs ondulaient jusqu’à se perdre<br />
dans la brume tels des vagues soulevées par une tempête. Des tombes de toutes sortes dépassaient d’entre<br />
les talus, séparées par quelques carrés d’herbe toujours partiellement recouverts de neige. Certaines<br />
étaient toutes simples, juste une pierre tombale, d’<strong>au</strong>tres étaient marquées par de h<strong>au</strong>ts monolithes ou des<br />
statues de saints. Quelques arbres dénudés se penchaient <strong>au</strong>-dessus d’elles comme des navires en train de<br />
sombrer, leurs branches dissimulaient les origines de hululements inquiétants et de bruits d’ailes<br />
invisibles.<br />
Malgré sa vision capable de per<strong>ce</strong>r l’obscurité, Ulrika n’y voyait pas à plus de dix pas tant les volutes<br />
de brume faisaient tout pour masquer le lointain.<br />
Leurs pas les emmenèrent à travers plusieurs sections, des petits quartiers semblables à <strong>ce</strong>ux dans<br />
lesquels avaient vécu les trépassés. Il y avait tout d’abord les longues avenues des marchands, de<br />
magnifiques rangées de monuments de marbre, chacun luttant avec son voisin à <strong>ce</strong>lui qui serait le plus<br />
ostentatoire et le plus ornementé. Venaient ensuite les quartiers des vieilles familles nobles, avec des<br />
cryptes et des m<strong>au</strong>solées bien plus larges et mieux construits que la plupart des demeures des citoyens<br />
ordinaires de Nuln. Puis après, venaient les plus modestes, entassés les uns contre les <strong>au</strong>tres, avec<br />
rarement plus qu’une simple dalle et parfois même moins que <strong>ce</strong>la.<br />
Ils atteignirent enfin l’endroit qu’ils cherchaient, un secteur du cimetière qui était déjà ancien alors que<br />
le Deutz Elm n’était qu’un arbrisse<strong>au</strong>, un endroit où les morts n’avaient plus de nom et où les tombes<br />
s’écroulaient f<strong>au</strong>te d’entretien, un lieu d’obélisques pris d’ass<strong>au</strong>t par les lierres, de statues défigurées par<br />
le temps et disparaissant à moitié <strong>au</strong> milieu des ron<strong>ce</strong>s, comme des martyrs lentement dévorés par les<br />
flammes.<br />
Le templier regarda <strong>au</strong>tour de lui, la mâchoire serrée. Quelque chose hulula <strong>au</strong> loin.<br />
—Cela fait plus de trois ans que <strong>ce</strong>t endroit est négligé. Ces prêtres ne sont que des trouillards. Il fit le<br />
signe du marte<strong>au</strong> sur sa poitrine. N’importe quoi peut se dissimuler ici, ajouta-t-il. N’importe quoi.<br />
Ulrika hocha la tête, ses yeux fouillaient déjà le sol à la recherche d’empreintes ou de tout <strong>au</strong>tre signe.<br />
Elle ne vit pas grand-chose. La neige tombée <strong>ce</strong>s derniers jours avait presque totalement fondu et l’herbe