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EN BREF... - Maroc Hebdo International

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écoperont de plus d’un siècle et demi<br />

de taule chacun. Exclusivement sur la<br />

foi d’adolescents qui ont cru reconnaître<br />

en eux leurs agresseurs. Ou plutôt<br />

qui ont été conditionnés pour les<br />

reconnaître.<br />

Car la toute première séance d’identification<br />

qui a influencé toutes les autres,<br />

celle de Terrassa, en novembre<br />

1991, est digne de figurer dans les<br />

annales du déni de justice: Le pauvre<br />

Tommouhi est traîné, menotté, le long<br />

du couloir du commissariat par des<br />

gardes qui ont bien pris le soin de le<br />

désigner comme l’inculpé. Une irrégularité<br />

gravissime qui, en d’autres<br />

circonstances aura suffi pour prononcer<br />

le non-lieu. Ce fut le cas notamment<br />

en janvier 2002, quand le tribunal<br />

de Seville a innocenté un jeune<br />

Espagnol bon teint accusé de viol parce<br />

que la Guardia civil a permis à la victime<br />

de le voir par deux fois avant la<br />

séance d’identification. Pour enfoncer<br />

également Mounib -qui n’a pas été<br />

reconnu dans la première séance-, le<br />

journal régional catalan La Vanguardia<br />

publie, le 16 novembre 1991, sa photo<br />

juste avant d’autres séances, en le désignant<br />

comme l’organisateur présumé<br />

des viols.<br />

La ressemblance physique forcée -car<br />

on se souvient qu’ils ont été triés- de<br />

Abderrazak Mounib et Ahmed<br />

Tommouhi était suffisante aux yeux<br />

des tribunaux. Mais point de preuves<br />

matérielles.<br />

Même dans les cas où de telles preuves<br />

existent, elles sont tout simplement<br />

écartées par les juges. Pour des<br />

raisons que la raison ignore, et pour ne<br />

prendre que le seul cas de l’agression<br />

de Olesa de Montserrat, les restes de<br />

liquide séminal prélevés sur des affaires<br />

d’une victime n’ont été analysés<br />

qu’en 1996. Ils ont innocenté les malheureux<br />

Tommouhi et Mounib… mais<br />

dans cette affaire seulement. Par<br />

contre, dans le cas de l’agression de<br />

Cornellá, les restes biologiques prélevés<br />

sur une des deux victimes ne<br />

correspondent en rien à Tommouhi,<br />

donné pour le violeur. Pradoxalement,<br />

les juges ont préféré croire la parole de<br />

© Ph.DR<br />

Ahmed Tommouhi dans la prison de Brians.<br />

Si la justice<br />

espagnole<br />

a commis une<br />

erreur dans un<br />

cas, qui garantit<br />

qu’elle ne s’est<br />

pas trompée dans<br />

les autres?<br />

la victime jugée «irréfutable et déterminante».<br />

On n’a pas non plus démontré que<br />

Tommouhi et Mounib se connaissaient<br />

avant d’être mêlés ensemble à ces sordides<br />

affaires. Dans leur domicile,<br />

aucun objet volé sur les victimes,<br />

aucune arme utilisée pour les agressions<br />

n’a été retrouvée.<br />

Toujours est-il qu’une fois Tommouhi<br />

et Mounib définitivement jugés et<br />

incarcérés, une série d’agressions<br />

sexuelles strictement de même nature<br />

ont repris à partir d’avril 1995. Le<br />

même modus operandi, le même<br />

agresseur. Comble de l’hilarité, là<br />

aussi, des vicrimes ont identifié les<br />

deux <strong>Maroc</strong>ains comme leurs agreseurs<br />

alors que les pauvres croupissaient<br />

en prison depuis des années<br />

déjà.<br />

<strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> <strong>International</strong> N°713 du 29 Septembre au 5 Octobre 2006<br />

Le 20 juin 1995, la guardia civil alpaguait<br />

Antonio García Carbonell,<br />

Espagnol d’éthnie gitane de 60 ans,<br />

sosie parfait de Tommouhi, et qui s’exprime<br />

en dialecte calo, qui pourrait<br />

être pris pour de l’arabe. Dans le coffre<br />

de sa fourgonnette, la batte de baseball<br />

et le pistolet d’alarme mentionnés<br />

par les victimes et divers objets<br />

volés lors de la première vague d’agressions.<br />

Antonio García Carbonell est<br />

condamné à plus de deux siècles de<br />

prison pour la deuxième vague d’agressions.<br />

C’est son ADN qui a été prélevé sur<br />

la victime de l’agression de Olesa de<br />

Montserrat citée plus haut, et pour<br />

laquelle Tommouhi avait été<br />

condamné puis innocenté. Les juges<br />

ont soigneusement évité de se poser<br />

une question que tout un chacun doué<br />

d’un minimum de bon sens se poserait:<br />

S’ils ont commis une erreur dans<br />

un cas, qui garantit qu’ils ne se sont pas<br />

trompés dans les autres?<br />

Pourquoi n’a-t-on pas pris en compte<br />

toutes les preuves matérielles ramassées<br />

sur les lieux des agressions pour<br />

se contenter de le condamner lui et<br />

Mounib sur la simple foi d’adolescents<br />

choqués, dont le souci majeur<br />

était de se débarrasser une fois pour<br />

toutes d’un épisode peu reluisant de<br />

leur vie?<br />

Question de facilité sans doute, de<br />

racisme peut-être, de laxisme, sûrement.<br />

Pour se donner bonne conscience, mais<br />

surtout pour éviter de reconnaître leur<br />

erreur et donc forcément réviser le<br />

procès, les autorités judiciaires ont<br />

sauté sur l’occasion d’une demande<br />

de grâce déposée par le procureur<br />

général de Catalogne… en 1999, pour<br />

libérer Tommouhi.<br />

Lui, il déclarait à El Pais, après sa sortie<br />

de prison, le 26 septembre: “Au<br />

moment où l’on parle en Espagne de<br />

réviser des jugements datant de<br />

Franco, pourquoi ne pas réviser le<br />

mien?” ❏<br />

Abdellah Rajy<br />

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