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EN BREF... - Maroc Hebdo International

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<strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> <strong>International</strong> N°713 du 29 Septembre au 5 Octobre 2006<br />

L’ÉDITORIAL de Mohamed Selhami<br />

La France<br />

reconnaissante<br />

Au retour d'une guerre qui n'était pas la leur, les soldats<br />

coloniaux aspiraient à la liberté en guise de prix du sang,<br />

ils n'ont même pas eu la prime des sous.<br />

vaut tard<br />

que jamais”,<br />

“Mieux<br />

voilà un dicton<br />

bien à propos, surtout lorsqu'il<br />

est décliné par le ministre français<br />

délégué aux Anciens combattants,<br />

Hamlaoui Mekachera.<br />

Sauf qu'il est un peu tard pour<br />

la plupart de ces guerriers du deuxième type, aujourd'hui<br />

septuagénaires ou octogénaires; et trop tard pour<br />

beaucoup d'entre eux, morts pour avoir trop attendu.<br />

Il est vrai que, au front de la Deuxième Guerre mondiale,<br />

le salaire de la peur était le même pour tous, qu'ils<br />

soient d'irréductibles Gaulois ou de farouches tirailleurs<br />

ramenés du Maghreb, d'Afrique noire ou<br />

d'Asie. Mais, en valeur nominale, les soldats de l'empire<br />

colonial touchaient le<br />

tiers de ce que percevaient<br />

leurs compagnons d'armes<br />

de la métropole. Depuis<br />

son gel en 1959, ce tiers<br />

n'était plus que quelques<br />

poussières d'euros.<br />

Comble de l'outrecuidance,<br />

la pension des survivants et des veuves était calculée<br />

sur la parité du pouvoir d'achat des pays d'origine,<br />

c'est-à-dire indexée sur la misère des colonies<br />

ou d'ex-colonies. C'est là que le prix du sang n'était<br />

plus le même. Les tenants du pouvoir sous la IVème,<br />

puis la Vème république française n'ont pas jugé urgent<br />

de laver cet affront à la dignité humaine par une<br />

revalorisation des pensions squelettiques au profit de<br />

quelque 80.000 zombies revenant d'un enfer lointain,<br />

dont 34.000 marocains. Cela coûterait beaucoup trop<br />

au budget de l'État. Finalement, au crépuscule de leurs<br />

vies, les anciens combattants d'outre-mer, qu'ils aient<br />

été dans les tranchées de 1939-45 ou dans la jungle<br />

d'Indochine, verront leurs émoluments alignés sur<br />

ceux des Français de souche, devenus enfin leurs alter-egos.<br />

(voir articles de Loubna Bernichi et<br />

Majdoulein El Atouabi, pages 48 et 49).<br />

Bien que d'un genre syndical particulier, rarement<br />

une revendication a mis autant de temps pour être<br />

Indigènes dévoile la face refoulée<br />

d'une France indigne à l'égard<br />

de ceux qui ont contribué<br />

à construire son histoire.<br />

obtenue. Il aura fallu 61 ans et un film à succès sur<br />

le sujet pour que cette injustice d'un autre âge soit réparée.<br />

En fait, le mérite pour la levée de ce verrou<br />

complètement rouillé est à mettre au crédit du déclic<br />

provoqué par le film Indigènes, de Rachid Bouchareb,<br />

plutôt que sur le décompte d'une durée surréaliste.<br />

Tourné au <strong>Maroc</strong>, primé à Cannes, avec une interprétation<br />

magistrale de l'humoriste Jamal Debbouz,<br />

époustouflant de vérité naturelle, Indigènes dévoile la<br />

face refoulée d'une France indigne à l'égard de ceux<br />

qui ont contribué à construire son Histoire. Les séquences<br />

les plus poignantes du film n'ont d'égal que<br />

les images affligeantes de ces vieux baroudeurs croupissant<br />

dans les chambres étroites de leurs refuges et<br />

guettant la fin du trimestre pour empocher leurs poignées<br />

d'euros.<br />

Il est, cependant, regretta-<br />

ble que l'odyssée malheureuse<br />

de ces combattants<br />

d'infortune ait été réduite à<br />

une question de sous. Il y<br />

a de cela, évidemment,<br />

mais pas uniquement.<br />

Dans le débat qui a secoué<br />

la France, suite à la sortie du film, il y a eu de l'émotion<br />

populaire, généralement sincère, et de l'analyse<br />

politique où on nous a servi des vertes et des pas mûres.<br />

On a ainsi pu parler d'esprit de corps sous le feu<br />

et de fraternité d'armes entre tirailleurs indigènes,<br />

sans connotation péjorative nous susurre-t-on, et soldats<br />

franco-français. On a aussi exhibé des statistiques<br />

sur la parité des morts, cette fois-ci, pour dire<br />

que les premiers n'ont pas été plus que les seconds de<br />

la chair à canon. Rien que de l'égalité, de la fraternité<br />

et, surtout, la liberté de monter à l'assaut et risquer<br />

sa vie contre l'ennemi de nos pires amis colonisateurs.<br />

Presque rien n'a été balbutié sur la situation<br />

saugrenue de ces troupes coloniales embarquées dans<br />

une guerre qui n'était pas la leur, mais celle de leurs<br />

oppresseurs.<br />

Au retour, les soldats indigènes aspiraient à la liberté<br />

en guise de prix du sang. Ils n'ont même pas eu la<br />

prime des sous.❏<br />

3

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