ACTUALITÉ Certaines universités marocaines ont introduit le master, un cursus d'excellence pour tirer vers le haut une université en décomposition avancée. A condition d’y mettre les moyens. Le master qui cache la forêt Pour que les rentrées universitaires se suivent et ne se ressemblent pas, un nouveau produit est lancé pour la saison 2006-2007. Le master. Un anglicisme diplômant qui a une connotation de qualité dans les pays anglo-saxons, tout comme en France. À voir le dispositif mis en place, il devrait en être de même chez nous. De quoi s'agit-il? D'un cursus de deux ans qui vient se substituer à la licence appliquée instituée en 2003. C'est en somme un cycle de bac+ cinq qui a valeur de l'ancien DESA(diplôme des études supérieures appliquées). Deux types de masters ont été définis. L'un professionnalisant, directement branché sur un métier de praticien de haut niveau; l'autre axé sur la recherche scientifique. Les études s'articulent en semestres autour d'un package progressif de modules. Distinction est ainsi faite entre l'inscription administrative et le cheminement d'acquisition des différentes parties des programmes. Une flui- dité de parcours qui contraste avec la rigidité de l'ancien système. En théorie, toutes les facultés peuvent postuler à l'organisation de masters dans des disciplines fondamentales ou connexes qui relèvent de leurs domaines. À condition de passer par une commission nationale d'experts indépendants pour la validation des projets. Exemple, la faculté des lettres et scien- Pour certaines options, on peine à sélectionner quinze ou vingt étudiants valables. ces humaines de Rabat a obtenu dix masters sur quatorze projets présentés. Un record à mettre sur le compte de son doyen, Mohamed Berriane, un chercheur émérite au dynamisme débordant. Dix masters pour des groupes de trente, en moyenne, sur six mille étudiants inscrits. C'est peu, mais c'est, en même temps, une fausse impression. Car les conditions d'accès à ce cursus sont, elles aussi, draconiennes; tout comme l'étaient, d'ailleurs, celles de la licence appliquée. En plus de la faiblesse générale du niveau, dont il faut chercher les causes sur toute l'entendue du système scolaire, le principal reste la langue véhiculaire de la discipline choisie. Pour certaines options, après étude et triage des dossiers et entretien, on peine à sélectionner des groupes de quinze ou vingt étudiants pour chaque option de master. C'est là, précisément, où le bât blesse. Par rapport à une population de plus de trois cent cinquante mille âmes estudiantines, réparties sur quatorze campus universitaires, le master apparaît, malheureusement, pour ce qu'il est: une goutte d'eau dans un océan d'établissements pédalant dans la semoule de la médiocrité, dans une masse de diplômes inopérants et une armée, en progression galopante, de diplômés déphasés. Bref, le master comme un arbre qui ne peut cacher la forêt d'une rentrée universitaire massivement semblable aux précédentes. C'est tout à leur honneur, les enseignants, eux, s'accrochent au master; ils se le sont approprié; ils veulent un label d'excellence. Ce n'est donc pas la volonté qui manque, mais les moyens. Même l'encadrement marocain fait défaut suite à la désastreuse opération du départ volontaire. Tout cela se paie. Or, les budgets alloués par le ministère sont loin de répondre à ces postes de dépenses. Tirer vers le haut, même à un rythme de tortue, une université nationale en décomposition avancée est à ce prix.❏ A. Mansour
LIAISONS SUSPECT