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« Au cours de ces journées remplies par les entretiens avec l’aveugle et par cent autres travaux, au cours des nuits de réflexion et de mises au point, il (l’auteur) avait songé, obscurément d’abord, et de plus en plus nettement dans la suite, à certains détails de la cosmologie dont l’ensemble lui paraissait surprenant. […] Jumeaux, bélier, taureau, scorpion. Il pensa au Zodiaque. Mais il garda cette idée à part lui : il voulait que le système apparût sans heurt, de lui-même, dans les entretiens du seuil où le maître s’asseyait. Les noirs avaient-ils leur explication cohérente du symbole du Zodiaque alors que les Méditerranéens ne tenaient sur son compte que des propos enfantins ? Car on ne peut admettre sérieusement que les Anciens aient reconnu dans le ciel un scorpion, des jumeaux, des poissons et que la position des étoiles ait dicté douze signes abracadabrants où une vierge voisine avec une balance, un crabe avec un lion (p. 210). Il lui semblait donc bien que, sans présenter un système constitué du Zodiaque, la cosmologie et la métaphysique des Dogon offraient du moins une place de choix à la plupart de ses signes. (p. 212). […] Le signe de la vierge, sorte de m dont le dernier jambage est sectionné, pourrait être rapproché de celui du scorpion, dont le dernier jambage est au contraire terminé par une pointe. Le premier représenterait la vierge excisée …(p.215) Néanmoins, cette inscription symbolique représentative de la structuration fondamentale du sujet psychique, CG Jung avait eu l’intuition qu’elle pourrait se trouver, comme il l’écrivit à S. Freud, dans la symbolique zodiacale (Lettre de Jung à Freud du 12.06.1911): « Je dois dire que l'on pourrait fort bien découvrir un jour dans l'astrologie, un bon morceau de connaissance des voies de l'intuition qui s'est égaré au ciel ...» L’hermaphrodite et la séparation de l’hermaphrodite symbolisent les deux mécanismes fondamentaux de la psyché humaine sachant que la séparation de l’hermaphrodite relève toujours de la Loi que celle-ci soit la loi sociale pro-sexuelle ou la loi morale anti-sexuelle. Il en est de même pour l’hermaphrodite qui concerne tout à la fois la problématique spirituelle intérieure que la problématique historique progressiste externe. De là, notre insistance à vouloir différencier le concept de l’âme de celui de l’anima dans la théorie junguienne car tout autant l’un que l’autre mettent en acte une dimension féminine pour le sujet masculin. Concernant cette bisexualité, toute manifestation féminoïde n’est pas en soi positive car la psychopathologie névrotique est une réaction intempestive à la nouvelle dimension d’être que le sujet est appelé à assumer. Pour l’adolescent qui doit accéder à la passion romantique, légitime à son âge, sa problématique psychopathologique prendra la forme d’une névrose obsessionnelle mettant en acte un complexe négatif du père moral qui se traduira par des rêves mettant en scène le diable. Dans son texte Dialectique du moi et de l'Inconscient (p.148), CG Jung cite le rêve d'un jeune obsessionnel de seize ans : « le rêveur se voit suivre une rue inconnue. Il fait noir. Il entend des pas derrière lui qui le suivent. Légèrement inquiet il accélère sa marche. Mais les pas se rapprochent et son angoisse augmente. Il se met à courir. Il a la sensation qu'il va être rejoint. Finalement, il se retourne et voit le diable. Pris d'une horrible peur, il fait un grand saut et reste suspendu dans les airs. (Ce rêve se répéta deux fois comme pour souligner sa grande importance). » Or ce rêve comme bien d’autres donne tort au maître de Küsnacht en ce qui concerne sa conception du rêve et de la vision comme compensation de la conscience, expression d’une dimension psychique que le sujet doit assumer. En réalité, c’est le contraire, le rêve montre l’attitude psychologique et la conception des choses que le sujet doit abandonner, dépasser ou compléter. Pour l’adolescent, l’accession à la passion romantique s’oppose à la loi morale aliénante et à son « diable lubrique » et le rêve présentera cette négativité réactionnelle faisant obstacle à la légitime accession à la dimension antagoniste dans le couple psychique opposant la loi morale et le désir. 28
Le rêve et la vision sont le lieu de l’interdit et non celui de la dimension que l’on doit assumer. Cette conception erronée junguienne du rêve est funeste et nous l’avons vu au sujet de son interprétation des visions de l’Apocalypse de saint Jean. Alors que celles-ci expriment les actions violentes d’un Dieu de vengeance que le chrétien doit désormais historiquement dépasser en refusant le « sacrificiel » et son « sang versé », le psychanalyste suisse y voit au contraire une dimension que le visionnaire chrétien aurait refoulé mais qu’il devrait assumer. Bien entendu, chaque élément du couple d’opposés a un aspect négatif et un aspect positif et si nous avons vu que le rêve de l’adolescent montrait l’attitude obsessionnelle morale négative, il y a aussi la configuration inverse où c’est le désir amoureux et la passion romantique qui sont négatives face à la légitimité de la loi morale castratrice du désir du Père comme avec le « démon de midi ». Le rêve alors sera l’expression d’une mentalité d’un adolescent, témoin ce patient ayant dépassé le midi de la vie et dont les rêves sont exposés dans le livre Psychologie et alchimie : « Le rêveur est entouré de nombreuses formes féminines indistinctes. Une voix dit en lui : "il faut d'abord que je m'éloigne de Père ». En réalité, tel l’enfant prodigue de l’Evangile, c’est au Père intérieur d’exigence morale qu’il fallait qu’il retourne. Or, ce rêveur n’était autre que le prix Nobel de physique quantique Wolfgang Pauli en analyse chez une disciple de CG Jung. Par sa correspondance avec le psychanalyste suisse, nous possédons également de ce célèbre scientifique un rêve datée du 28 septembre 1952 où déambule une chinoise : « la chinoise marche devant moi et me fait signe de la suivre. Elle ouvre une trappe et commence à descendre un escalier en laissant la porte ouverte derrière elle. Ses mouvements sont extraordinairement dansants, elle ne parle pas et ne s’exprime que par pantomime, comme le font les danseurs de ballet. Je la suis et m’aperçois que l’escalier mène à une salle de cours. Les inconnus m’y attendent. La chinoise me fait à nouveau signe de monter sur l’estrade et de parler aux gens, visiblement pour tenir une conférence. Tandis que j’attends, elle repart dans l’escalier sans cesser de danser de façon rythmée, repasse devant la porte de la trappe puis redescend.... » Dans ce rêve de 1952, la chinoise, comme elle le sera plus tard dans les années soixante, est une représentation exotique de l’objet du désir amoureux pour l’homme qui, comme « manque » (+phi) lacanien est la « béance » qui entraîne le social-historique dans le changement progressiste et libertaire opposé à la morale conservatrice. En fait, contrairement à l’interprétation junguienne de ce rêve qui parle d’intégration de l’anima comme dimension féminine que le sujet devait soi-disant assumer, le rêve appelle, au contraire, au renoncement au « démon de midi » pour revenir au Père d’exigence morale qui est « dans le secret ». Dans l’église de Py consacré à l’Apôtre Paul, se trouve au fond de la nef tout un lieu consacré au mystique majorquin Raymond Lulle. La caractéristique de ces deux personnages, c’est que leur conversion résulta d’un épisode visionnaire mettant en cause l’acharnement violent contre une minorité pour l’Apôtre des gentils et le désir adultère pour le fondateur de la langue littéraire catalane. Dans les deux cas, la vision situait le sujet dans une position négative persécutrice à laquelle il devait renoncer. Nous l’avons écrit, le problème de l’adultère est un des problèmes majeurs de notre époque concernant le cheminement spirituel intérieur en vue du « Royaume du Père » et cela, en raison de la dérive adolescentesque de nos sociétés modernes occidentales. Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’il faille re-inscrire dans la loi sociale l’interdit de l’adultère, voire revenir à son lynchage. Le Christ refuse la lapidation de la femme adultère mais lui dit en aparté : va ! et ne pêche plus. La problématique moderne est son « unidimensionalité » et son absence de structuration en scènes complémentaires des quatre dimensions fondamentales de la psyché. Or pour qu’il y ait une réunion des dimensions psychiques antagonistes libératrice du mal, il faut qu’existe cette structuration entre intérieur et extérieur, signifiants inconscients majeurs que nous délivre la névrose phobique (claustrophobie et agoraphobie). 29
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