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On touche là à l’imbroglio actuel du discours junguien concernant l’intégration chez l’humain masculin de la dimension féminine dénommée l’intégration de l’anima (et l’animus viril chez la femme). Or les textes d’Emma Jung sur l’anima et l’animus montrent que cette complémentarité psychologique est liée au devenir historique de la culture occidentale et n’a aucun rapport avec la bisexualité que l’on trouve dans la spiritualité et la mystique. On se trouve plutôt dans le cadre de la bisexualité dont parle Elisabeth Badinter dans son livre L’un et l’autre. La même configuration psychique que celle dont parle Jacques Lacan lorsqu’il écrit que « c’est en tant qu’autre sexe que l’humain désire ». Cet hermaphrodisme émerge du retour du « diable lubrique » lié à la figure du père moral négatif et aliénant, castrateur du désir amoureux adolescent que l’on retrouve, en partie, dans le surmoi freudien. Or, notre époque a autonomisé les adolescents comme groupe social alors que dans les sociétés anciennes, l’humain s’insérait dans l’ordre social adulte dès la puberté. On peut même dire que la société actuelle est devenue « adolescentesque » avec la dominance de l’idéologie du désir entraînant cette hermaphrodisme du sujet moderne dont parle Elisabeth Badinter. Nous avons vu que le junguisme théorisait une topique relevant d’une bisexualité. Une topique où pour l’humain masculin : le moi conscient s’identifie à la Persona d’identité sexuelle en opposition à l’âme inconsciente féminine. Mais la référence à l’hermaphrodite se retrouve aussi dans le lacanisme dont l’opposition majeure est « avoir le pénis ou être le phallus de la Mère ». Bien entendu, « avoir le pénis » est le fait de la fonction génitale et relève donc de la séparation de l’hermaphrodite, celle du maître tandis que « être le phallus de la Mère » est l’équivalent de l’hermaphrodite. Pour Jacques Lacan, le « phallus » est le « pénis qui manque à la Mère », c’est à dire le signifiant du « manque dans l’Autre », autrement dit la « béance ». En outre, en plus de cette opposition entre « avoir le pénis » et « être le phallus de la Mère », se situe une opposition entre le désir et la loi morale plus classiquement freudien. Par contre, ce qui est original chez Jacques Lacan, c’est qu’il associe le désir et la « béance », le « phallus » positivé (+phi) opposé à la loi morale, ellemême résultat du refoulement du désir (« la loi morale est le désir refoulé » in Kant avec Sade). En conséquence, le « phallus de la Mère » sera le « phallus » négativé (-phi). De plus, le psychiatre parisien inscrit cette formulation quaternaire du psychisme humain dans la problématique d’accession à la parole et au langage-signifiant propre à l’humain. En cela, le « phallus » (+phi) est la « béance » qui entraîne l’organisation syntaxique (ordre symbolique) dans la diachronie sachant le « je », sujet du désir est tout à la fois sujet et objet du désir lié à la métonymie. Pour ce qui est du « phallus (-phi) de la Mère », il le situe sur le lieu de la parole et de la signification métaphorique du sujet. Pour le psychiatre parisien, il n’y a d’inconscient que chez un sujet qui parle et le langage-signifiant humain est différent du langage animal qui « n’admet pas la métaphore, ni n’engendre la métonymie » (Ecrits II p.206) sachant que « rien dans le monde animal ne représente le sujet » et que c’est le « signifiant [métaphorique] qui représente le sujet »: • La structure métaphorique indique que c’est dans la substitution du signifiant au signifiant que se produit un effet de signification qui est de poésie ou de création, autrement dit d’avènement de la signification en question ». • La structure métonymique indique que c’est la connexion du signifiant au signifiant qui permet l’élision par quoi le signifiant installe le manque de l’être dans la relation d’objet … La barre placée entre S et s marque l’irréductibilité où se constitue dans les rapports du signifiant au signifié, la résistance de la signification» Ecrits I p. 274. Outre la quaternité que nous avons vu précédemment, la dualité entre la parole et l’articulation syntaxique du langage (l’ordre symbolique) fonde l’opposition entre l’introversion et l’extraversion ; termes que Jacques Lacan n’emploie pas mais qui ressortent de sa fondamentale dualité différenciant l’être et la lettre, le dit et le dire, l’énoncé et l’énonciation, l’être et le « manque d’être », l’Autre et l’autre, etc… 26
On sait qu’il écrivait également que « .. rien n’a été encore valablement articulé de ce qui lie la métaphore à la question de l’être et la métonymie à son manque » (Jacques Lacan - Ecrits I p. 289). L’intérêt de la formulation lacanienne réside dans la quaternité des dimensions psychiques fondamentales et dans le double versant de la « béance » qui permet de comprendre ce double « hermaphrodisme » qui reste enchevêtrée dans les textes junguiens. De là, la nécessité de différencier dans le junguisme le concept de l’âme de celui de l’anima. La « béance » (l’anima) projetée dans le réel comme un a priori de l’extraversion implique une potentialisation moïque déversant sa vitalité vers ce réel : 1 (moi) 0 (anima - objet) C’est la définition même de l’extraversion chez CG Jung : « le type extraverti suppose que l’objet soit vide, et qu’il peut le remplir de sa propre vie» (Types psychologiques p.284). Par contre, l’âme comme « béance » en relation à l’Autre implique la demande d’être remplie d’une vitalité qui provient de cet Autre intérieur. L’image de la coupe (saint Graal) a toujours symbolisé cette âme recevant une énergétique psychique provenant de l’Autre : 0 (l’âme) 1 (l’Autre comme le Dieu des mystiques). La symbolique de l’hermaphrodite et de la séparation de l’hermaphrodite est fondamentale et il est à noter que seule les théories psychanalystes junguienne et lacanienne s’y réfèrent ; En cela, ce sont les seules qui possèdent un véritable intérêt concernant le savoir sur le sujet psychique. Par contre, cette symbolique se trouvent quotidiennement sous nos yeux sans que nous la voyons sachant que mêmes les astrologues ne la voient pas : Signes hermaphrodites : _ Scorpion _ Capricorne _ Taureau Signes doubles _ Balance _ Verseau _ Gémeaux Signes féminins _ Vierge _ Poissons _ Cancer Signes masculins _ Sagittaire _ Bélier _ Lion M + flèche Corne + Queue Soleil + Lune Double trait Double trait Double trait M castré de la flèche Queues du poissons Lune seule du Cancer Flèche Corne Soleil du Lion Nous avons cru longtemps être le seul à repérer cette structuration des signes du zodiaque au regard de la symbolique de l’hermaphrodite et de la séparation de l’hermaphrodite jusqu’à la lecture du livre Dieu d’eau de Marcel Griaule. Cet ethnographe, non susceptible d’être accusé d’ésotérisme, les avait trouvé, à sa grande surprise, aux fondements de la conception du monde des Dogons que lui avait dévoilé en 1946 le vieux chasseur aveugle, Ogotemmêli (Les signes du Zodiaque in Dieu d’Eau ) : 27
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