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1 « croyez-vous que Jésus-Christ soit notre sauveur et que par son ...

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On sait <strong>que</strong> le Concile de Trente est le Concile de la Contre-Réforme dirigé <strong>par</strong>ticulièrement<br />

contre Luther. Mais durant le XIX e siècle, on trouve des penseurs catholi<strong>que</strong>s, de bon<br />

niveau, qui essayèrent de formaliser toute c<strong>et</strong>te problémati<strong>que</strong> concernant le sacrificiel <strong>et</strong> la<br />

crainte de Dieu de manière un peu différente. Certains d’entre eux comme <strong>par</strong> exemple,<br />

l’évê<strong>que</strong> d’Angers Freppel s’en référèrent à Clément d’Alexandrie (II e siècle) dont l’école était<br />

très peu sacrificielle <strong>et</strong> très dévalorisante concernant la crainte de Dieu qui était, pour elle, le<br />

degré le plus inférieur <strong>et</strong> le plus im<strong>par</strong>fait des sentiments religieux. Pour l’école d’Alexandrie,<br />

la recherche du royaume de Dieu était pour le vrai chrétien qu’il dénommait le <strong>«</strong> vrai<br />

gnosti<strong>que</strong> », une élévation de l’âme, <strong>par</strong> la connaissance <strong>et</strong> <strong>par</strong> amour, vers la béatitude de<br />

l’union mysti<strong>que</strong> . Dans les Stromates, c<strong>et</strong> élève du stoïcien chrétien Pantène élabore toute<br />

une échelle des vertus <strong>et</strong> des sentiments religieux où la crainte est quasiment une nonvaleur.<br />

Son seul intérêt reconnu résidait dans le fait qu’elle <strong>«</strong> peut détacher l’homme du<br />

péché, lui inspirer la résolution de changer de vie » à condition <strong>que</strong> cela le conduise à une<br />

crainte moins égoïste <strong>et</strong> plus désintéressée, la <strong>«</strong> crainte filiale » ; c’est à dire la crainte<br />

d’offenser <strong>son</strong> père. Il est vrai <strong>que</strong> lorsqu’on aime <strong>que</strong>lqu’un, on a peur <strong>et</strong> on craint de le<br />

blesser mais est-ce vraiment de la crainte ? Pour s’opposer à Luther qui faisait de la<br />

<strong>«</strong> crainte » un sentiment mauvais, contraire à l’Evangile <strong>et</strong> pour être conforme au Concile de<br />

Trente, l’évê<strong>que</strong> angevain va chercher c<strong>et</strong>te <strong>«</strong> crainte filiale » chez Clément d’Alexandrie.<br />

Il reconnaît néanmoins <strong>que</strong> <strong>«</strong> tout le monde accorde <strong>que</strong> la loi du Sinaï, avec ses menaces<br />

<strong>et</strong> ses terreurs, était une loi de crainte plutôt qu’une loi d’amour ; le christianisme, au<br />

contraire, se résume dans la loi de charité qui en est l’âme <strong>et</strong> l’essence » (cf. <strong>son</strong> texte<br />

Clément d’Alexandrie p. 377). Pour l’auteur des Stromates, il y a un développement<br />

progressif <strong>et</strong> une gradation ascendante du sentiment religieux <strong>et</strong> si l’Ancien Testament<br />

précède le Nouveau, la crainte de Dieu peut avoir un intérêt pédagogi<strong>que</strong> pour le repentir <strong>et</strong><br />

le changement de vie. Il y préfère néanmoins la <strong>«</strong> honte de soi » , celle de <strong>«</strong> l’homme qui<br />

recule devant le péché à cause de la laideur qu’il y découvre, ou qui s’en repent <strong>par</strong> suite de<br />

la honte intérieure qu’il éprouve : une <strong>par</strong>eille aversion a sans contredit une grande valeur<br />

morale <strong>et</strong> pré<strong>par</strong>e les voies à la justification » (ibidem p. 368). Le texte vétéro-testamentaire<br />

qui dit <strong>que</strong> <strong>«</strong> la crainte est le commencement de la sagesse » est pris au mot <strong>par</strong> le prêtre<br />

d’Alexandrie qui la comprend comme le début d’une accession à la sagesse, à la <strong>«</strong> gnose de<br />

l’union divine <strong>par</strong> amour », ultime <strong>et</strong> seul légitime sentiment religieux. La crainte doit<br />

détacher l’homme du mal <strong>et</strong> le pré<strong>par</strong>er à la sagesse. En fait, il écrit : <strong>«</strong> Ce n’est pas Dieu<br />

<strong>que</strong> je crains mais je crains d’être détaché de Dieu ». Néanmoins, il n’abandonne jamais la<br />

référence à la crainte <strong>et</strong> c’est ce qui intéresse les penseurs catholi<strong>que</strong>s tridentins en lutte<br />

contre le protestantisme qui bannit la crainte comme un sentiment mauvais. Comme pour la<br />

plu<strong>par</strong>t des systèmes philosophi<strong>que</strong>s <strong>et</strong> religieux qui ne différencient jamais la loi sociale<br />

punitive <strong>et</strong> la loi morale, ils n‘arrivent pas à comprendre <strong>que</strong> la loi morale christi<strong>que</strong> n’est pas<br />

punitive. Pour eux, refuser la crainte, c’est refuser la loi morale <strong>et</strong> il est vrai <strong>que</strong> le<br />

protestantisme rej<strong>et</strong>ait, concernant la <strong>«</strong> justification », les <strong>«</strong> bonnes œuvres » qui <strong>son</strong>t le fait<br />

de la loi morale. Or, nous l’avons vu, pour le <strong>Christ</strong>, le mal fait mal à autrui <strong>et</strong>, des fois, se<br />

r<strong>et</strong>ourne contre le méchant lors<strong>que</strong> celui-ci tombe sur une <strong>«</strong> pierre d’achoppement ».<br />

Lorsqu’il prophétise la destruction du Temple <strong>et</strong> du système social religieux juif, ce n’est pas<br />

<strong>par</strong>ce qu’il pense <strong>que</strong> Dieu le vengera de <strong>son</strong> injuste condamnation mais <strong>par</strong>ce <strong>que</strong>, se<br />

sachant la <strong>«</strong> pierre d’achoppement » histori<strong>que</strong> du système sacrificiel, il savait <strong>que</strong> leur<br />

négativité se r<strong>et</strong>ournerait contre eux, de la même manière <strong>que</strong> Judas l’a r<strong>et</strong>ournée contre lui<br />

en se suicidant. Parmi les Pères de l’Eglise, <strong>notre</strong> très platonisant Clément d’Alexandrie fut<br />

celui qui montra le plus d’indifférence à la hiérarchie ecclésiale car le christianisme était pour<br />

lui la doctrine d’un accomplissement spirituel individuel. Après lui, le mot <strong>«</strong> gnosti<strong>que</strong> » fut<br />

banni du langage de l’Eglise à cause des délires spéculatifs des gnosti<strong>que</strong>s dualistes contre<br />

les<strong>que</strong>ls s’acharnèrent d’autres penseurs chrétiens tel Irénée, Tertullien ou Epiphane. Non<br />

comptant de dévaloriser la crainte de Dieu <strong>et</strong> la punition de l’enfer sauf à en faire un<br />

déclencheur <strong>et</strong> dans la mesure où tout reste à faire, le prêtre d’Alexandrie refusait également<br />

la soif du bonheur éternel <strong>et</strong> de l’obtention du <strong>par</strong>adis. Ni la crainte des châtiments ni le désir<br />

des récompenses n’ont aucune <strong>par</strong>t à l’ultime <strong>et</strong> seul légitime sentiment religieux. Il n’y a<br />

d’autre récompense <strong>que</strong> Dieu lui-même avec qui on est éternellement uni.<br />

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