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Colloque international:L'information numérique et les enjeux de la société d'information
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Jarraud, 04]. C'est en fait, une manipulation bien
comprise qui consiste à prétendre que l'on est
compatible avec une norme, alors que l'on tente au
contraire de s'en démarquer en cherchant le plus petit
commun multiple qui revient à vider toute substance à
ce qui n'en a déjà pas beaucoup. Pourquoi proférer un
jugement aussi radical ? Il est ahurissant que les groupes
autoproclamés de compétence sur les normes, basent
leurs travaux sur ce qu'ils pensent être cohérent de faire,
plutôt que ce qui est, en intégrant bien sûr à la base, les
surdéterminations techniques informatiques. Ces avis
d'experts, sont ainsi remplis de XML, de définitions de
ce qu'est une méta donnée et toutes considérations dont
la pratique pédagogique n'a vraiment que faire. Mais
ainsi, il existe pléthore de groupes qui tentent en fait de
s'imposer en imposant leur standard pour le transformer
en norme. C'est le cas par exemple du réseau européen
Schoolnet avec son travail sur une normalisation des
usages des ressources numériques à l'école avec
Celebrate [Celebrate, 03]. On travaille sur des fantasmes
théoriques à partir de Learning principles (Principes
d'apprentissage) qui définissent des catégories a priori
sans réelles études d'usage et d'impact.
Ce qu’il faut retenir, c'est l’idée selon laquelle les
aspects techniques dans les sociétés humaines sont
élaborés à partir des usages et pas l’inverse. C'est un
effet accéléré de l'internationalisation et de la
marchandisation que de vouloir faire changer l'ordre des
choses.
V. Normer, manipuler
Pour comprendre les dérives de l'auto proclamation des
groupes de compétences en matière de normalisation,
prenons l'exemple de la fixation de l'indice des prix en
France [Desrosières, 03]. A la fin de la deuxième guerre
mondiale, l'Etat a besoin d'indices pour administrer son
économie. Un groupe ad hoc va structurer un indice des
prix que l'on qualifiera de normatif. Le processus
consiste à réunir des représentants des industries, des
syndicats de salariés et des experts. On leur demande de
fixer le contenu du panier de la ménagère afin d'élaborer
l'indice des prix mensuels qui sera lui-même utilisé pour
fixer les augmentations de salaires. Evidemment les
réunions de ce groupe sont houleuses, car derrière ces
choix normatifs se cachent des intérêts bien compris.
Que l'ouvrier de la fin de la guerre, s'achète une chemise
par mois ou une tous les ans a un impact non
négligeable sur l'indice des prix. Si l'on considère qu'il
en achète souvent, l'industriel ne pourra pas augmenter
ses prix, car cela aurait un impact sur l'indice et serait
visible. Au contraire, les syndicats d'ouvriers qui savent
qu'un secteur industriel augmente très fréquemment ses
prix aura intérêt à intégrer le plus possible de produits
de ce secteur pour que l'indice augmente et donc que les
salaires augmentent. Jusqu'au début des années 50, ce
sera le mode de fixation de la norme "indice des prix",
par des groupes de lobby et des experts. La réalité est
donc une réalité politique avant tout, qui vise à défendre
des intérêts. A partir des années 50, l'augmentation des
salaires est strictement adossée à l'indice des prix. Dès
lors, on passe à une approche objective qui consiste à
réaliser des enquêtes rigoureuses sur ce que les ménages
consomment pour fixer l'indice des prix. Mais ce serait
encore trop simple. Jusqu'à très récemment encore
[Armatte, 03], les débats ont fait rage pour définir parmi
tous les achats, ceux qui devaient être dans le panier de
la ménagère ou non.
VI. De l'usage à la norme
Peut-on faire un parallèle entre cet exemple de
normativité lié à un indice complexe et la question des
normes dans le développement de l'usage de
l'information via les réseaux dans l'éducation. Je pense
que oui. Il y a les normes de circulation de l'information
et les normes d'indexation de l'information.
Evidemment, elles ne sont pas sans contrainte ni effet
sur les politiques industrielles et économiques des
institutions qui doivent les adopter. Mais, on peut
considérer qu'il s'agit là du pas de vis du boulon et de
l'écrou et qu'il faut bien qu'il y ait quelques normes,
puisqu'il s'agit finalement de faire coïncider des
éléments mécaniques entre eux. Ensuite, se pose la
question de l'utilisation de l'information dans un
contexte de communication numérique, notamment en
terme d'usage pour les apprentissages. Et là, cela n'a
plus rien à voir, car imaginer qu'il y a une norme à
l'activité humaine, rejoint les canons totalitaristes qui
s'imaginent qu'il faut penser et agir d'une seule façon.
Or, même si l'on voit bien pourquoi l'économie pourrait
avoir cette tentation de mettre tout le monde dans un
même moule comportemental, l'humain jouit toujours
de son libre arbitre. Pourtant, les experts n'hésitent pas à
se comporter comme leurs prédécesseurs d'il y a 50 ans,
en imaginant ce qui serait bien, plutôt que ce qui est.
Prétendre vouloir imposer une organisation des
ressources numériques, de leurs utilisations et de
l'interactivité que l'humain doit avoir avec, revient
finalement à comparer l'humain et son action à un
boulon qui doit se formater pour que l'écrou vienne se
visser sur l'axe imposé. C'est évidemment un projet
totalitariste inacceptable. Si l'on ne peut donc
déterminer a priori ce qu'il est possible de normer, il
faut comme il y a 50 ans pour les prix, s'intéresser à
l'exacte réalité de l'action d'apprendre avec les
technologies en réalisant des recherches qui vont mettre
en évidence le statut de l'information et de l'interactivité
numérique dans le processus d'apprentissage. Sait-on
ISD, Tunis
14-16 avril 2005