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L’APPEL A PROJET<br />
tradition productiviste. Indépendance à l’égard du marché,<br />
légèreté par rapport à des réalisations souvent fastidieuses, la<br />
publication de projets d’artistes présuppose toute une nouvelle<br />
économie, ainsi qu’un nouvel état d’esprit dont les bases sont plus<br />
que jamais présentes. » À vrai dire, la revue conserve totalement<br />
cette qualité d’édition puisque par elle l’archive et la trace du work in<br />
progress ou du programme trouve son lieu d’expression, sa chambre<br />
d’échos la plus efcace et cohérente. Cette « nouvelle économie »<br />
anticipe-t-elle l’abondance de revues créées ces dernière années ?<br />
C’est tout à fait possible. Mais là où Franck Perrin ne prévoyait pas<br />
la force du système économique global de l’art, c’est sur ce point<br />
précis que se constituent « la critique institutionnelle » et la « résistance<br />
vis-à-vis d’une tradition productiviste ». Or aujourd’hui, la logique<br />
de production et d’exposition a imposé celle du projet, quelque<br />
soit le contexte. Du centre d’art à la galerie, de l’intervention dans<br />
l’espace public à l’atelier conçu à l’intérieur de quartiers sensibles,<br />
le projet commande le point de départ et structure toute approche<br />
de la création. Ce que l’auteur intitule « la dimension-projet et les<br />
lieux spéciques / le champ élargi de la production » semble<br />
désigner ici une marge par rapport aux usages de l’époque. Il est<br />
clair que nous suivons Franck Perrin lorsqu’il afrme que « dans<br />
cette dissémination de l’œuvre, reste à considérer ces relais, ces<br />
approches obliques qui émettent vers nous, tels des indicateurs<br />
clandestins d’une redistribution à l’œuvre. Parce qu’une revue ça<br />
n’expose que du devenir, elle réactive cette dimension mineure<br />
et intermédiaire du projet, où le réel éclate autant que la réalité<br />
de l’œuvre. » Que la revue soit le lieu d’inscription du « devenir » et<br />
de la « dimension mineure et intermédiaire du projet » cela ne fait<br />
aucun doute. Mais lorsque l’on pense que lui correspond alors la<br />
« dissémination de l’œuvre » et son « éclate[ement en même temps<br />
que] le réel », il convient de s’arrêter quelques instants sur le sens<br />
précis de cette articulation : comment la trace, la marque du devenir<br />
introduit-elle une dissémination du réel et de la réalité de l’œuvre.<br />
Une autre façon d’être présent<br />
et de mettre en présence<br />
Par ce jeu à la fois de dispersion et d’inscription du devenir,<br />
avec toute sa fragilité et son illusoire persistance, les étapes<br />
du projet révèlent autre chose de l’œuvre elle-même. Souvent<br />
destinée à ne jamais sortir de l’intimité d’une pensée et d’une<br />
action en cours, la trace, l’archive, xe désespérément ce qui<br />
n’est qu’un ux dans l’instant. Guide, repère ou mémo, elle est<br />
un entre-deux, juste au croisement de la pensée et du geste,<br />
mouvement temporairement suspendu, pari sur l’avenir,<br />
hypothèse, promesse. Il convient donc de souligner que cette<br />
autre mise en présence s’appuie fondamentalement sur un<br />
autre rapport au temps. Dans l’« analytique existentiale » d’Être<br />
et Temps 2 , Martin Heidegger place le projet comme l’un des<br />
éléments de la structure du Dasein. Le Da-sein, l’être-là, « est<br />
jeté dans le mode d’être du projeter. […] Le Dasein se comprend<br />
toujours déjà et toujours encore, aussi longtemps qu’il est, à<br />
partir de possibilités. […] En tant qu’être-possible, n’est jamais<br />
non plus moins, s’il est vrai qu’il est existentialement ce qu’il<br />
20<br />
Nils Guadagnin, Hoverboard 2010, 115x80x26 cm.<br />
Études et schémas 2008. www.nilsguadagnin.com