10.05.2013 Views

PLAISIR(S) - CREC

PLAISIR(S) - CREC

PLAISIR(S) - CREC

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

94<br />

LE(S) <strong>PLAISIR</strong>(S) EN ESPAGNE (XVIIIe – XXe SIÈCLES)<br />

Asís, qui est le jouet autant du galant que de son désir, cède une troisième fois. Alors que<br />

les bagages sont prêts pour partir pour Vigo et qu’elle s’est promis de ne plus revoir ce<br />

« truhán », « vago » et « perdis » et que pour se guérir de cette « fièvre tierce », elle a décidé<br />

de faire une bonne cure de chemin de fer 1 , malgré toutes ces résolutions, donc, elle accorde un<br />

autre rendez-vous, en dehors de Madrid, à Las Ventas, le rendez-vous de la « despedía » que<br />

lui demande instamment Pacheco.<br />

Il ne faut pas uniquement interpréter, cependant, ces résolutions irrévocables sans cesse<br />

détournées comme la description d’une femme faible victime d’un séducteur. Le roman veut<br />

plutôt être, indéniablement, le récit d’un désir rejeté, puis assumé. C’est ainsi qu’à plus d’une<br />

reprise Asís reconnaît dans le secret de ses moments d’introspection que l’Andalou lui plaît :<br />

« Lo que pasa es que me gusta, que me gusta cada día un poco más, que me trastorna con su<br />

palabrería » 2 et qu’elle est loin d’être insensible aux multiples charmes de son adorateur :<br />

Llegada a este capítulo, la dama se dedicó a recordar mil pormenores, que reunidos formaban lindo<br />

mosaico de gracias y méritos de su adorador. La pasión con que requebraba ; el donaire con que pedía ; la<br />

gentileza de su persona ; su buen porte, tan libre del menor conato de gomosería impertinente como de<br />

encogimiento provinciano ; su rara mezcla de espontaneidad popular y cortesía hidalga ; sus rasgos<br />

calaverescos y humorísticos unidos a cierta tristeza romántica [...] 3 .<br />

Le récit d’un rêve que fait Asís dans un demi-sommeil 4 est chargé de faire comprendre de<br />

façon très explicite le secret désir de la jeune veuve. Celle-ci s’imagine, donc, dans le train<br />

l’emmenant vers Vigo, l’éloignant de la fournaise madrilène pour rejoindre la fraîcheur<br />

galicienne. De façon manichéenne un peu forcée, le laid plateau castillan est associé à la<br />

poussière, l’implacable chaleur solaire à l’enfer (la poussière et le soleil figurent comme<br />

souvenirs, bien évidemment, de la fatale promenade au bord du Manzanares) : « ¡ Que me<br />

abraso... Que me abraso ! », s’écrie Asís. En revanche, la Galice dont le train la rapproche est<br />

idylliquement représentée comme terre de fraîcheur, de verdure, chuchotante de sources,<br />

petites cascades et ruisseaux, une sorte d’Arcadie celtique. Mais, bien vite, l’eau fraîche si<br />

salutaire devient pluie persistante qui finit par s’infiltrer dans le cœur d’Asís et l’imbiber. On<br />

l’aura compris, le bonheur et le plaisir sont bien du côté de l’enfer madrilène.<br />

1<br />

« Para estas tercianas, hija mía, píldoras de camino de hierro », Id., p. 234.<br />

2<br />

Id., p. 233.<br />

3<br />

Id., pp. 233-234.<br />

4<br />

Id., pp. 275 à 278, pour le récit de ce rêve. La présence de ce rêve révélateur des désirs secrets d’Asís est à<br />

interpréter sans doute comme un clin d’œil narratif à Benito Pérez Galdós, ami d’Emilia Pardo Bazán. On peut<br />

penser, en effet, aux passages oniriques qui émaillent la narration de Fortunata y Jacinta (première édition<br />

1887).

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!