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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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PRÉFACE<br />

l’auteur-narrateur — et encore : car que faut-il penser <strong>du</strong> récit<br />

des « grandes coutumes » par une prostituée dahoméenne exilée<br />

en France et rencontrée à Anvers?<br />

Autre transgression <strong>du</strong> code romanesque : on n’y trouve plus<br />

de personnages stricto sensu, c’est-à-dire des êtres fictifs placés au<br />

centre <strong>du</strong> récit; c’est dorénavant la personnalité de l’écrivain qui<br />

envahit tout le champ, sans avoir besoin de s’encombrer de<br />

porte-parole peu crédibles, comme dans Le Journal d’une femme<br />

de chambre ou Le Jardin des supplices, ou de se cacher derrière des<br />

masques faciles à percer, comme dans les romans dits<br />

« autobiographiques » 1 . Dès lors, tous les événements, vécus ou<br />

imaginaires, sont réfractés à travers son « tempérament », qui<br />

apparaît précisément, selon la belle expression de Roland Dorgelès,<br />

comme « une étrange machine à transfigurer le réel » 2 , ce<br />

dont témoigne notamment l’évocation semi-canularesque de la<br />

Belgique, et particulièrement de sa dérisoire capitale, qui souleva<br />

l’ire de l’intelligentsia bruxelloise. Du même coup, l’identification<br />

traditionnelle <strong>du</strong> lecteur au héros de roman est exclue : il est, au<br />

contraire, dûment distancié par le recours systématique à la dérision.<br />

À l’émotion, qui naît d’un élan de la sensibilité, se substitue<br />

une connivence purement intellectuelle; et, à la sympathie <strong>du</strong><br />

narrateur pour des êtres humains qui souffrent, succède un<br />

humour parfois féroce et ricanant, comme si <strong>Mirbeau</strong> avait « pris<br />

le parti de se moquer <strong>du</strong> monde » — et, au premier chef, de ses<br />

lecteurs — « après avoir pris au tragique ses misères », comme<br />

l’écrira André Dinar 3 .<br />

1. C’est-à-dire les trois premiers romans que <strong>Mirbeau</strong> a signés de son nom : Le<br />

Calvaire (1886), L’Abbé Jules (1888) et Sébastien Roch (1890). Ils sont tous les trois<br />

disponibles sur le site des <strong>Éditions</strong> <strong>du</strong> <strong>Boucher</strong> (http://www.leboucher.com/vous/mirbeau/romans.html).<br />

2. Roland Dorgelès, préface des Œuvres illustrées de <strong>Mirbeau</strong>, aux <strong>Éditions</strong> Nationales<br />

(1934) (elle est repro<strong>du</strong>ite dans le tome I de notre édition critique de l’Œuvre<br />

romanesque de <strong>Mirbeau</strong>, Buchet/Chastel-Société <strong>Octave</strong> <strong>Mirbeau</strong>, Paris-Angers,<br />

2000).<br />

3. André Dinar, Les Auteurs cruels, Mercure de France, Paris, 1942, p. 104.<br />

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