06.05.2013 Views

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

piété, vers nos bons radicaux et radicaux-socialistes qui, comme<br />

la noblesse d’alors, forment la classe privilégiée d’aujourd’hui,<br />

celle qui, éternellement, sous des titres différents, mais avec des<br />

appétits égaux, se rue, dit-on, à la même curée des honneurs et<br />

de l’argent… Quelles braves gens! Et comme je les aime!… Ils<br />

sont affables, polis, modérés dans l’expression publique de leurs<br />

passions, ennemis <strong>du</strong> scandale qui est toujours laid, des intrigues<br />

trop bruyantes qui sont parfois dangereuses. Excellents patriotes,<br />

fermes capitalistes, intermédiaires habiles entre l’épargne et les<br />

banques, propriétaires orthodoxes, qui donc pourrait mieux<br />

défendre les immortels principes de la conservation sociale,<br />

répartir plus équitablement, entre les grosses affaires qu’ils protègent,<br />

et les menus besoins des pauvres qu’ils administrent, la<br />

manne des budgets?… En outre, ils ont de l’é<strong>du</strong>cation, de la<br />

décence et de la vertu, une culture moyenne qui les rend aptes à<br />

toutes les médiocrités éclatantes et fructueuses, un raffinement<br />

de mœurs qui fait leur commerce agréable et sans surprises, des<br />

habitudes électorales qui les mêlent au peuple, qui apprennent,<br />

même au plus grincheux, la bienveillance et la familiarité envers<br />

les petits…<br />

Ah! comme ils ont bonne figure, à les comparer, en leur sévère<br />

habit noir, à ces grands seigneurs, vêtus de soies et de dentelles,<br />

brutaux et goujats, ignorants et voleurs, domestiques et proxénètes,<br />

dont l’élégance si vantée, si regrettée, consistait à se roter<br />

au visage l’un de l’autre, donner audience déculottés sur leurs<br />

chaises percées, se barbouiller de sauces comme les chiens qui<br />

fouillent <strong>du</strong> nez dans leur pâtée, cultiver, bactériologistes sans le<br />

savoir, d’immondes vermines sous leurs perruques : charniers<br />

ambulants, ambulantes or<strong>du</strong>res, qui laissaient de leur passage<br />

dans les couloirs de Versailles, de Meudon, <strong>du</strong> Petit-Luxembourg,<br />

une persistante odeur de musc et de merde… Prestigieux<br />

serviteurs de la monarchie et de la religion, ils ne pensaient qu’à<br />

trafiquer de leurs fonctions, piller le trésor, les tailles, les gabelles,<br />

les magasins publics, tricher au jeu, trahir leur pays, mener leurs<br />

femmes, leurs filles, leurs maîtresses, au lit royal, leurs fils au lit<br />

des augustes sodomites de la Maison de France, et, mieux que<br />

sur les champs de bataille où ils se battaient, d’ailleurs, comme<br />

des lions, leur fierté chevaleresque s’exaltait à présenter le pot de<br />

80

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!