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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

écriture, ornées de cachets rouges imposants. Les papiers hollandais<br />

disaient : « Nous prions les autorités, etc. » Les papiers allemands<br />

disaient : « Ordre est donné aux autorités. » Il y avait là<br />

une nuance plutôt rassurante… Mais, le moment venu de les<br />

mettre à l’épreuve, qu’allaient-ils peser, devant tant de barbarie?…<br />

<strong>La</strong> douane allemande<br />

Ce qui nous arriva, quand nous franchîmes la frontière allemande,<br />

à Elten…<br />

Nous venions de passer un mois merveilleux, un mois<br />

enchanté, en Hollande, encore tout émus de ses paysages de ciel<br />

et d’eau, de ses villes penchées, de ses musées. Il ne nous était<br />

rien arrivé de fâcheux, au contraire. Ici un accueil réservé et, au<br />

fond, bienveillant; là, une hospitalité enthousiaste. Même en<br />

Frise, où une automobile est une bête presque inconnue, où la<br />

curiosité hollandaise se montre parfois gênante, nous n’avions<br />

suscité qu’une sorte d’étonnement respectueux… Du moins, cet<br />

étonnement, c’est ainsi que je me plus à le qualifier… Quand on<br />

file sur les routes frisonnes, on voit, à chaque minute, passer des<br />

hommes au visage placide, qui mènent ces admirables chevaux,<br />

dont la peinture hollandaise consacre les belles formes rondes,<br />

de ces chevaux très noirs, à la haute encolure, à la robe luisante,<br />

qui s’accordent si bien avec le paysage et décorent nos corbillards<br />

parisiens avec tant de majesté… Ils s’arrêtaient pour nous considérer,<br />

laissant s’emballer leurs bêtes surprises… Je garde le souvenir<br />

de celui que nous fîmes, en cornant, se retourner de loin, et<br />

qui, sans plus se soucier de son cheval parti et galopant, à fond de<br />

train, dans le polder, demeura pétrifié d’admiration, immobile au<br />

bord de la route, son chapeau à la main…<br />

Je me rappelais aussi qu’à Edam, ayant laissé l’automobile à la<br />

garde de Brossette, pour prendre le coche d’eau qui mène à<br />

Volendam, nous avions été entourés, subitement, par les habitants<br />

de tout le village… Il y avait là de jolies filles souriantes,<br />

parées de bijoux et de dentelles; il y avait surtout des hommes,<br />

dont l’aspect nous inquiéta. Ces colosses, calmes et rasés, très<br />

beaux sous leurs bonnets de peau de mouton et dans leurs<br />

amples culottes bouffantes, me faisaient penser à ces paysans<br />

héros, leurs ancêtres, qui boutèrent, hors de leur République,<br />

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