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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

Malgré l’heure tardive, il ne fit aucune difficulté pour nous rembourser<br />

notre dépôt.<br />

— J’ai justement, aujourd’hui, de l’argent français, nous dit-il.<br />

Je pense que vous aimerez mieux ça…<br />

Le bureau était très propre, bien rangé; les hommes, très astiqués,<br />

dans leur vareuse verte. Ils nous souhaitèrent bon voyage.<br />

À Raon-la-Plaine, douane française, nous fûmes accueillis<br />

comme des chiens. Un trou puant, un cloaque immonde, un<br />

amoncellement de fumier : telle était notre frontière, à nous…<br />

Ce que nous vîmes des maisons, nous parut misérable et sordide.<br />

Des gens hurlaient dans un café…<br />

Petit, maigre, le képi enfoncé de travers sur la nuque, une cravate<br />

bleue roulée en corde autour <strong>du</strong> cou, la vareuse débraillée,<br />

dégoûtante de graisse, un douanier s’était précipité au-devant de<br />

la voiture, en agitant une lanterne… Il nous interrogea, sur un<br />

ton impératif, presque grossier.<br />

— Qu’est-ce qu’il y a dans ces malles?… ces paquets?<br />

— Rien… des effets.<br />

— Que vous dites?… Faudra voir ça!… Mais il est trop<br />

tard… À c’t’heure, bonsoir!… Demain.<br />

J’entrai dans le bureau, pour me plaindre au chef… Une pièce<br />

en désordre… un parquet gluant de saletés… Il n’y avait pas de<br />

chef… Un homme dormait sur un banc, la tête sur un sac… Il<br />

poussa un grognement, puis un juron, au bruit de la porte<br />

ouverte… Dehors, les gens étaient sortis <strong>du</strong> café… entouraient<br />

l’automobile, nous regardaient hostilement, des êtres chétifs,<br />

terreux, la bouche mauvaise, les yeux sournois…<br />

Je décidai de rebrousser chemin jusqu’à Grand-Fontaine,<br />

pour y passer la nuit…<br />

Le lendemain matin, il nous fallut subir la visite. Le douanier<br />

s’acharna à la rendre la plus ignominieuse qu’il put. Il bouscula<br />

nos effets dans les malles, brisa un flacon dans un nécessaire,<br />

inventoria, pièce par pièce, les outils <strong>du</strong> mécanicien… Jusqu’à un<br />

kodak qu’il fallut enlever de son étui, pour voir ce qu’il y avait au<br />

fond. Cela <strong>du</strong>ra une heure… Je rédigeai une réclamation… Mais<br />

où vont les réclamations?…<br />

Enfin, il nous permit de partir… furieux de n’avoir rien trouvé<br />

de suspect, heureux, tout de même, de nous avoir embêtés…<br />

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