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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

beaucoup le commerce alsacien. Les hôteliers, les marchands, et<br />

surtout les propriétaires de ces luxueux garages installés dans les<br />

villes, supplient le gouvernement de rapporter des mesures qui<br />

les ruinent, en éloignant, de plus en plus, les automobilistes de<br />

ces régions admirables, hier encore très fréquentées pour la joie<br />

et au bénéfice de tout le monde. Mais le gouvernement reste<br />

sourd à ces doléances. Il a encore de la défiance, une sorte de<br />

rancune sourde contre ce pays.<br />

Je n’avais pas revu Strasbourg depuis 1876. Faut-il dire que je<br />

ne l’ai pas reconnue? À l’exception <strong>du</strong> quartier de la cathédrale,<br />

et de ce vieux quartier si pittoresque qu’on appelle la petite<br />

France, rien d’autrefois n’est resté. Et encore, ces derniers vestiges,<br />

où nous nous retrouvons, vont bientôt disparaître. <strong>La</strong><br />

pioche y est déjà. Aujourd’hui Strasbourg est une ville magnifique,<br />

spacieuse, et toute neuve, la ville des belles maisons blanches<br />

et des balcons fleuris. Nous n’en avons pas une pareille en<br />

France. Les larges voies des nouveaux quartiers, luisantes<br />

comme des parquets suisses, les universités monumentales, tous<br />

ces palais élevés à l’honneur des lettres, des sciences, et des<br />

armes aussi, par lesquels l’Allemagne s’est enfoncée jusqu’au<br />

plus profond <strong>du</strong> vieux sol français, ces jardins merveilleux, ce<br />

commerce actif qui, partout, s’épanouit en banques énormes, en<br />

boutiques luxueuses, et cette armée formidable qui veille sur tout<br />

cela, doivent faire réfléchir bien douloureusement ceux qui gardent<br />

encore, au cœur, d’impossibles espérances. Ah! je plains le<br />

pauvre Kléber qui assiste, sur sa place, impuissant et en bronze,<br />

au développement continu d’une cité à qui il a suffi d’infuser <strong>du</strong><br />

sang allemand pour qu’elle acquît aussitôt cette force et cette<br />

splendeur. Telle fut, au moins, ma première impression.<br />

Je n’ai pas la prétention, en traversant une ville, de juger de sa<br />

mentalité. Un voyageur est <strong>du</strong>pe de tant d’apparences! Et tant<br />

de choses lui échappent!… Mais j’ai longuement causé avec un<br />

Alsacien très intelligent, qui ne se paie pas de mots. Il m’a dit :<br />

— Strasbourg est complètement germanisée… Quelques<br />

familles bourgeoises résistent encore. Mais leur résistance se<br />

borne à ressasser, en français, d’anciens souvenirs, le soir, autour<br />

de la lampe… Elles n’ont ni influence, ni crédit. N’oubliez pas,<br />

non plus, que le prêtre, en ce pays très catholique, s’est fait tout<br />

de suite l’agent le plus ardent, le plus écouté de la conquête<br />

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