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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

troubles, inquiétants; sa bouche épaisse et très rouge, sa lourde<br />

chevelure, encadrant de boucles à l’anglaise un front d’un dessin<br />

infiniment pur, la mollesse serpentine de ses mouvements, lui<br />

donnaient à la fois un air d’abandon et de dignité, une expression<br />

hautaine et lascive, dont la saveur était rare et prenante. Très<br />

intelligente, d’une culture éten<strong>du</strong>e mais souvent brouillée, trop<br />

« littéraire » pour être émouvante, trop mystique pour être sincère,<br />

elle aimait, dans la conversation, s’intéresser aux plus<br />

hautes questions, où se révélait l’abondance de ses lectures bien<br />

plus que l’originalité de ses idées. Elle n’était ni spirituelle ni gaie<br />

et manifestait, en toutes choses, une grande exaltation de sentiments.<br />

Au vrai, un peu déséquilibrée et ne sachant pas très bien<br />

ce qu’elle voulait…<br />

— En somme, me disait d’Aurevilly, telle quelle, elle valait la<br />

peine de toutes les folies.<br />

Il ne l’avait connue qu’après la mort de Balzac, et pas longtemps.<br />

Il m’avoua que la continuelle présence de Jean Gigoux<br />

dans la maison de la rue Fortunée sa vulgarité conquérante<br />

d’homme à femmes, son cynisme à se vautrer dans les meubles<br />

de Balzac, son affectation de rapin à « cracher sur ses tapis », lui<br />

furent vite une chose intolérable, odieuse… À peine présenté<br />

chez M me de Balzac, il ne reparut plus chez elle. Mais, jusqu’à la<br />

fin de sa vie, il avait conservé, de cette figure entrevue, un souvenir<br />

impressionné.<br />

Nous ne connaissons guère M me Hanska que par les lettres de<br />

Balzac, car je veux négliger ici les indications qui me viennent de<br />

Jean Gigoux (elles pourraient paraître suspectes et d’une psychologie<br />

bien courte). Et encore, nous ne pouvons pas toujours nous<br />

fier à Balzac, qui ment souvent, comme tous les amoureux. Sa<br />

folle vanité le porte, à son insu, aux exagérations les moins acceptables.<br />

Il a la manie de ne nous montrer jamais M me Hanska qu’à<br />

travers lui-même. Et puis, n’a-t-on pas préten<strong>du</strong> que les Lettres à<br />

l’Étrangère étaient un document par endroits, fort discutable?<br />

N’a-t-on pas affirmé que M me Hanska, après la mort de Balzac,<br />

en avait fait ou refait les parties d’amour? Je ne sais pas ce qu’il y<br />

a de vrai dans cette accusation. Elle me paraît, à moi, bien risquée.<br />

Les raisons qu’on en donne ne m’ont point convaincu, car<br />

tout se tient dans ces lettres. Elles sont d’une si belle et forte<br />

coulée, elles marquent une telle empreinte personnelle, qu’on ne<br />

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