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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

Qu’on se rappelle encore les espoirs obstinés, les rêves grandioses<br />

de la moisson future, toute proche, la confiance presque<br />

sauvage qu’il a en son génie. Et voyez-le faire, le plus loyalement<br />

<strong>du</strong> monde, la balance entre ses dettes d’aujourd’hui et ses triomphes<br />

assurés de demain. Que sont ses dettes?… Rien. Que<br />

pèsent ses dettes? Rien, en vérité, mais rien, rien!… N’a-t-il pas<br />

son œuvre, chaque jour agrandie, chaque jour plus populaire, qui<br />

lui réserve des millions?… N’a-t-il pas ses affaires qui lui représentent<br />

des milliards? Alors il prend, comme il peut, où il peut,<br />

de légères avances sur cette fortune certaine, avances qu’il remboursera,<br />

plus tard, demain, ce soir, peut-être au centuple…<br />

Et les chimères se pressent, montent, de partout, l’enveloppent<br />

de leurs caresses et chantent autour de lui. Leurs voix le bercent<br />

et le raniment. Il en oublie sa détresse; il en oublie jusqu’aux<br />

affreuses douleurs qui lui écartèlent les os de la poitrine. Elle et<br />

lui, elle, la Line, la Linette, et le cher Minou, lui, le bon, le grand,<br />

le sublime Noré. Ils touchent enfin au bonheur si longtemps<br />

atten<strong>du</strong>… Ils auront un palais, comme des rois, vivront dans un<br />

merveilleux décor d’art, de fêtes, de domination; ils verront<br />

Paris, l’univers à leurs pieds. Est-ce pour quelques misérables<br />

cent mille francs qu’il va ralentir, arrêter l’essor de son génie,<br />

renoncer à ses magnifiques créations, voler à l’amour qui s’y<br />

exalte, voler au monde qui s’en éblouit, une gloire dont il se sent<br />

tout rempli, mais à qui il faut donner à manger de l’argent, de<br />

l’argent encore, et toujours de l’argent?<br />

<strong>La</strong> femme de Balzac<br />

Et me voici au drame le plus et aussi le moins connu de la vie<br />

de Balzac : son mariage. Bien que nous soient encore obscurs<br />

certains épisodes de cet extraordinaire roman d’amour qui fut,<br />

en même temps que la méprise de deux cœurs trop littéraires, la<br />

chute finale de deux ambitions pareillement déçues, j’y ajouterai,<br />

peut-être, quelques éclaircissements. Je m’empresse de dire à qui<br />

je les dois : au peintre Jean Gigoux 1 , qui fut mêlé très intimement,<br />

aussi intimement que Balzac, à la vie de Mme Hanska. Pour<br />

1. Jean Gigoux (1806-1894), peintre bisontin, que <strong>Mirbeau</strong> a rencontré à la fin de<br />

sa vie chez Heredia et chez Rodin. Auteur notamment de <strong>La</strong> Mort de Léonard de Vinci<br />

(1835), de <strong>La</strong> Mort de Manon Lescaut, de portraits et de lithographies.<br />

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