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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

— Qu’il paie d’abord… qu’il vive petitement… nous verrons<br />

ensuite, disait M. Viennet.<br />

Balzac n’a pas payé… Il n’a payé qu’en chefs-d’œuvre : monnaie<br />

qui n’a pas cours à l’Académie.<br />

*<br />

* *<br />

Ses affaires? On s’en est beaucoup moqué; on s’en moque<br />

encore. De la naïveté, peut-être; de l’indélicatesse, qui sait? En<br />

tout cas, de l’ignorance et de la féerie. C’est le point faible, la<br />

fêlure dans cette organisation si robuste. D’ailleurs, comment<br />

attendre quelque chose de sérieux de quelqu’un qui fait des<br />

romans?<br />

M. de Rothschild 1 , qu’il voyait fréquemment, et dont nous est<br />

resté, dans son Nucingen, un si surprenant et inoubliable portrait,<br />

s’en amusait comme d’une bonne farce. Les plus in<strong>du</strong>lgents,<br />

ses admirateurs mêmes, plaidaient que Balzac était un<br />

grand constructeur de chimères; pour parler plus prosaïquement,<br />

un fou. D’autres commentaient cette image par ce mot :<br />

un faiseur.<br />

Les gens de finance sont en général fort bornés, et orgueilleux<br />

avec médiocrité. Ils manquent de culture, d’imagination, de<br />

générosité d’esprit, dans un métier où il en faut beaucoup. Ils<br />

n’ont que de la routine dans une aventure où il n’en faut pas <strong>du</strong><br />

tout. Concevoir une affaire, c’est concevoir un poème. L’homme<br />

d’affaires qui n’est pas, en même temps, un idéaliste, un poète,<br />

ce n’est rien… rien qu’un escroc, la plupart <strong>du</strong> temps.<br />

Balzac était poète. Il avait la passion des belles et grandes<br />

ordonnances; il ne suivait pas les idées, il les devançait. De même<br />

qu’il lui suffisait d’un mot pour reconstituer, dans sa vérité<br />

logique, tout un être humain, de même il lui suffisait d’un fait,<br />

quelquefois d’un menu fait, pour découvrir et créer d’un coup le<br />

drame d’une affaire. Il la concevait, la débrouillait, la bâtissait,<br />

avec la même imagination puissante, la même faculté de divination,<br />

la même netteté carrée que ses livres.<br />

1. James de Rothschild (1792-1868), fondateur de la banque Rothschild de Paris,<br />

consul d’Autriche, fut le banquier de la monarchie de Juillet.<br />

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