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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

force, ne se juge pas de taille à écrire une vie de Balzac. Je voudrais<br />

le rassurer. Personne n’attend de lui une œuvre d’art. On<br />

ne lui demande que des documents utiles à l’histoire de la littérature,<br />

ce qui est peu de chose, utiles à l’histoire de l’humanité, ce<br />

qui est tout. D’autres feront le reste.<br />

Mais non. Je crois plutôt que M. de Spoelberch de Lovenjoul<br />

a, comme tout le monde, presque tout le monde, le déplorable<br />

préjugé <strong>du</strong> grand homme. Le grand homme doit être un personnage<br />

sympathique, comme au théâtre. Le grand homme n’est véritablement<br />

un grand homme qu’à la condition qu’on fasse le<br />

silence sur ses faiblesses, et qu’on le diminue de tout ce qu’il eut<br />

d’humain. Ainsi de Verlaine, qu’on nous présente aujourd’hui<br />

comme une sorte de brave bourgeois, régulier, comme un de ces<br />

excellents radicaux-socialistes, ennemis de la bohème, qui paient<br />

bien leurs contributions et font l’ornement de la respectabilité<br />

française. Pour qu’un grand homme entre, par la bonne porte,<br />

dans la postérité, il faut le parer de vertus bien décentes et bien<br />

basses, et de ces héroïsmes grossiers qui enchantent la foule. Il<br />

lui faut, comme au chrétien qui veut entrer dans le Paradis,<br />

toutes les comédies sacramentelles de l’extrême-onction, et<br />

l’absolution, par la crapule, de ses péchés.<br />

Or c’est par ses péchés qu’un grand homme nous passionne le<br />

plus. C’est par ses faiblesses, ses ridicules, ses hontes, ses crimes<br />

et tout ce qu’ils supposent de luttes douloureuses, que Rousseau<br />

nous émeut aux larmes, et que nous le vénérons, que nous le chérissons,<br />

de tous les respects, de toutes les tendresses qui sont<br />

dans l’humanité.<br />

*<br />

* *<br />

Nous ne devons point soumettre Balzac aux règles d’une<br />

anthropométrie vulgaire. L’enfermer dans l’étroite cellule des<br />

morales courantes et des respects sociaux, c’est ne rien comprendre<br />

à un tel homme, c’est nier, contre toute évidence, le prodige,<br />

l’exception qu’il fut. Nous devons l’accepter, l’aimer,<br />

l’honorer tel qu’il fut.<br />

Tout fut énorme en lui, ses vertus et ses vices. Il a tout senti,<br />

tout désiré, tout réalisé de ce qui est humain. Il fut Bianchon,<br />

Vandenesse, Louis <strong>La</strong>mbert; il fut aussi Rubempré; il fut même<br />

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