06.05.2013 Views

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

OCTAVE MIRBEAU<br />

selon les meilleures recettes de l’Anthropogénie… Ah! mon cher,<br />

on ne peut savoir à quel point une femme, qui, d’ailleurs, n’est<br />

pas <strong>du</strong> tout « nue sous le manteau », peut augmenter, en un soir,<br />

la population d’un grand pays, comme l’Allemagne… Les statisticiens<br />

nous le diront, peut-être, un jour…<br />

Et il ajouta :<br />

— Je ne comprends pas <strong>du</strong> reste que, chez vous comme chez<br />

nous, il y ait tant de solennels idiots pour vouloir proscrire <strong>du</strong><br />

théâtre, <strong>du</strong> livre, <strong>du</strong> tableau, les images voluptueuses… Même ce<br />

qu’ils appellent la pornographie devrait être respecté, entretenu,<br />

protégé, comme une force, comme une vertu nationale,<br />

puisqu’elle facilite le rapprochement des sexes… Mais les pires<br />

agents de dépopulation, ce sont tous ces sénateurs Bérenger,<br />

protecteurs <strong>du</strong> triste et stérile onanisme…<br />

— Alors, dis-je, vous êtes, vous aussi, pour la repopulation?<br />

— Moi? fit von B… vivement. Mais, je m’en fous complètement,<br />

mon cher…<br />

Une soirée au music-hall<br />

Foule énorme à l’Apollo-Theater, où l’élément militaire<br />

domine. On ne voit que des uniformes; on n’entend que des<br />

petits bruits de sabres.<br />

Sur la scène, c’est le défilé accoutumé des équilibristes à<br />

paillettes et des jongleurs en habit noir, des acrobates japonais,<br />

familles anglaises, chanteuses viennoises, danseuses espagnoles,<br />

tableaux vivants, cinématographes, gommeuses françaises, qui<br />

promènent dans les capitales de quoi satisfaire la moyenne des<br />

aspirations amoureuses et artistiques de nos contemporains.<br />

Notre loge est voisine d’une grande loge, occupée par des officiers.<br />

Longs, minces, parfumés, un peu maquillés, sanglés dans leurs<br />

tuniques, le cou étranglé par le carcan rouge, bleu ou jaune <strong>du</strong><br />

collet, ils ont des mines insolentes et efféminées. Leur façon de<br />

se dandiner sur des hanches trop fortes rappelle beaucoup celle<br />

des jolis petits professionnels qu’on voit rôder, sur nos boulevards,<br />

devant le Grand-Hôtel et le Café de la Paix. Ils affectent<br />

de se désintéresser de ce qui se passe sur la scène, de se montrer<br />

blasés sur toutes choses. Ils ne boivent pas, ne fument pas, et<br />

promènent des gestes las, au bout de leurs gants blancs…<br />

349

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!