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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

C’est ainsi qu’il apprit l’existence d’un journal que son père<br />

tenait depuis des années… Frédéric avait le goût d’écrire. Vous<br />

avez lu la lettre à Bismarck, à son avènement, son journal de 70-<br />

71, et la relation de son séjour à Suez, lors de l’inauguration <strong>du</strong><br />

canal?… Je ne dis pas qu’il eût beaucoup de talent, et que ces<br />

écrits soient des chefs-d’œuvre… Du moins, ils témoignent<br />

d’intentions méritoires… <strong>La</strong> peur de ce journal secret hantait<br />

d’effroi le jeune Guillaume. Peut-être sa con<strong>du</strong>ite y était-elle<br />

jugée?… Peut-être des volontés dangereuses y étaient-elles<br />

inscrites?… Il ne pensait qu’au moyen de s’emparer de ces<br />

papiers… Or l’Impératrice sut, avant la fin, les mettre à l’abri…<br />

Trompant la surveillance, pourtant minutieuse, de son fils, elle<br />

les avait fait passer en Angleterre… à la Reine, sa mère, ou à son<br />

frère, le Prince de Galles… je ne me souviens plus exactement…<br />

À peine, au bord <strong>du</strong> lit, où l’agonisant venait d’expirer,<br />

Guillaume se redressa-t-il Empereur, qu’il réclama le Mémorial.<br />

L’Impératrice feignit l’ignorance… Il insista… Il parla en<br />

maître… Il donna à sa mère l’ordre de lui obéir… Elle persista<br />

dans son système… Elle ne savait pas… Elle ne savait rien…<br />

Guillaume en vint à la menacer, brutalement, de sa colère… À<br />

ses yeux secs, les larmes de sa mère paraissaient un stratagème.<br />

Plus elle résistait, plus il s’exaspérait, car il lui semblait qu’il fallait<br />

mesurer à l’entêtement de l’Impératrice l’importance des documents…<br />

En réalité, il ne pouvait supporter que, dans la première<br />

heure d’un règne si fiévreusement atten<strong>du</strong>, quelqu’un, si grand<br />

fût-il, osât lui résister… <strong>La</strong> colère emporta cet Empereur d’un<br />

jour, jusqu’à la pire démence… Il se dit qu’après tout sa mère<br />

n’était qu’une princesse de la maison dont il devenait le chef, la<br />

colonelle d’un de ses régiments, sa sujette!… « Eh bien,<br />

ordonna-t-il, violet de fureur, vous garderez les arrêts,<br />

madame… les arrêts forcés… jusqu’à ce que vous m’ayez obéi…<br />

Oui… oui… je vous mets aux arrêts… aux arrêts forcés. » En<br />

arrivant, deux heures après, à Potsdam, Bismarck trouve le palais<br />

environné d’escadrons de cavalerie en armes. L’Empereur lui<br />

apprend comment il vient de répondre à la désobéissance de sa<br />

mère… Il est encore très exalté, trouve son idée admirable : « Et<br />

qu’elle ne compte pas sur un mouvement de pitié, sur un attendrissement…<br />

non… non… jusqu’à ce qu’elle m’ait obéi… vous<br />

entendez, monsieur le chancelier?… jusqu’à ce qu’elle m’ait<br />

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