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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

voulu, pourtant, la ravaler… Il n’était pas homme à regretter rien<br />

qu’il eût fait, même une sottise… Et, trop ennemi des mots inutiles,<br />

il ne me demanda même pas, après coup, le secret…<br />

Cependant, chaque fois que j’ai voulu la dire, j’ai revu, dans leurs<br />

poches plissées, ses yeux ardents, et je me suis tu… Elle<br />

m’échappe, ce soir, je le sens… Ma foi!… profitez-en…<br />

Sa main étreignit mon genou :<br />

— Vous ne savez pas quel a été, interrogea-t-il lentement… le<br />

premier acte d’autorité de Guillaume II?…<br />

Ce ne pouvait être pour attendre ma réponse qu’il s’était<br />

arrêté.<br />

— En tout cas, vous savez avec quelle anxiété Guillaume —<br />

alors fils <strong>du</strong> prince héritier et si loin <strong>du</strong> trône où son grand-père<br />

se pétrifiait — épia les progrès de la maladie de son père, à San<br />

Remo 1 ?… Vous vous rappelez sa fièvre parricide pendant les<br />

Cent jours <strong>du</strong> règne de notre Fritz, à Potsdam, où on avait<br />

ramené le cancéreux couronné? Ah! il y avait longtemps que<br />

Guillaume avait échappé à ses parents… Bismarck le leur avait<br />

pris… Un jeu, n’est-ce pas? pour le vieux diplomate, chez qui<br />

l’énergie… farouche, se doublait de la plus belle astuce… Bismarck<br />

excitait, contre le couple impérial, l’ardeur impatiente <strong>du</strong><br />

jeune homme… Depuis toujours, il haïssait férocement et redoutait<br />

celle qu’il appelait « l’Étrangère », et ses idées anglaises. Il<br />

haïssait également et ne redoutait pas moins le libéralisme, la<br />

loyauté de Frédéric III… Le plus beau, c’est qu’il ne pouvait prévoir<br />

les progrès que ferait, plus tard, dans l’imagination de son<br />

trop docile élève, l’appétit de toute-puissance qu’il s’appliquait à<br />

dérégler en lui… Pas un acte, pas un écrit, pas une parole <strong>du</strong> père<br />

que le chancelier n’apprît au fils à critiquer… Quant à l’influence<br />

de sa mère, on la lui démontrait funeste… antinationale… Les<br />

rapports, entre l’Impératrice Victoria et son fils, étaient donc des<br />

plus ten<strong>du</strong>s… et des plus amers. Elle n’ignorait pas qu’il avait<br />

placé des espions jusque dans la chambre de l’infortuné<br />

malade… Tel ambassadeur d’à présent était déjà chargé, par<br />

Guillaume, d’une mission moins décorative, plus délicate, au<br />

chevet <strong>du</strong> moribond, dont l’agonie lui marchandait le trône…<br />

1. C’est en janvier 1887 que Frédéric III, gravement malade, se réfugia Villa Lirio,<br />

à San Remo. Il ne rentra à Berlin, après la mort de son père, que l’année suivante.<br />

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