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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

ment… maintenir une in<strong>du</strong>strie colossale, entretenir un outillage<br />

formidable, dont une paix sans nuages serait la ruine… Et puis,<br />

comment voulez-vous?… Guillaume sait très bien que l’Allemagne<br />

ne peut pas acquérir plus de gloire militaire qu’elle en a…<br />

Mais…<br />

Il se mit à pouffer de rire.<br />

— Je ne serais pas surpris qu’il rêvât un peu de gloire navale…<br />

Hé! hé!… Une guerre navale, peut-être y a-t-il songé?… Heureusement,<br />

l’Angleterre…<br />

Je ne pus m’empêcher de m’écrier :<br />

—Ubu! C’est Ubu!<br />

Von B…, très au courant de notre littérature, approuva fort<br />

cette exclamation…<br />

— Mais oui, mon cher… c’est Ubu… Ubu est d’ailleurs<br />

l’image la plus parfaite qu’on nous ait encore donnée des Empereurs,<br />

des Rois, et, disons-le, de tous ceux qui, à un titre quelconque,<br />

se mêlent de gouverner les hommes… Et si, vous le<br />

voulez bien, nous allons porter la santé de M. Alfred Jarry…<br />

Ce que nous fîmes… Après quoi, il réfléchit, une seconde, et il<br />

dit encore :<br />

— Il y a encore une autre raison qui empêchera toujours<br />

l’Empereur de déclarer la guerre : il en redoute le résultat.<br />

Certes, notre armée est forte, la plus forte <strong>du</strong> monde… Elle est<br />

exercée, entraînée, tout ce que vous voudrez… Nos arsenaux<br />

sont pleins, notre armement complet… nos forteresses en état :<br />

c’est enten<strong>du</strong>. Par malheur, nous n’avons plus d’officiers, ou,<br />

plutôt, nous n’avons que des officiers de parade, qui, ressemblent<br />

beaucoup à ces godelureaux jolis de votre Second Empire,<br />

que nous avons vus à Metz et à Sedan. Ils ne travaillent pas et ne<br />

s’occupent que de leurs plaisirs : le jeu, les femmes, et même les<br />

hommes… Vous ne pouvez imaginer la corruption qui règne<br />

parmi eux… De temps en temps, on voit disparaître brusquement<br />

un lieutenant promis au plus bel avenir, un général fort<br />

bien en cour, un courtisan de marque, un ministre qui paraissait<br />

solide… Ce n’est pas la femme… presque jamais la femme qu’il<br />

faut chercher… Quant au haut commandement, il est médiocre,<br />

pour ne pas dire détestable. Il est aux mains de généraux de cour,<br />

gorgés d’honneur et d’argent, que les pires intrigues, les plus<br />

sales marchandages, les plus laides débauches ont amenés à la<br />

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