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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

postérité, qu’une cimaise… Frédéric ne parlait jamais de ses<br />

campagnes… En avait-il honte?… En tout cas, les braillards de<br />

71 lui surent toujours mauvais gré de ce silence, de cette<br />

retenue… Guillaume lui-même ne peut encore accepter que son<br />

père ne lui ait point fait assez honneur… Il rougit de lui, et le<br />

pousse hors de l’histoire, comme d’autres mauvais fils renvoient<br />

et claquemurent, dans sa chambre, la vieille maman qu’ils ne<br />

veulent point laisser voir, parce qu’elle n’est pas assez bien mise.<br />

À moins qu’il ne s’agisse d’une rancune pire… et qu’il ne<br />

reproche à la mère son sang, au père son imprudence, à tous les<br />

deux le rachitisme dont son orgueil souffre cruellement… Oh! je<br />

l’ai bien souvent senti… Ce silencieux et ce réservé, ce n’était pas<br />

le père qu’il fallait à ce fils fanfaron; ce malade couronné n’était<br />

pas l’Empereur que voulait la Gründerzeit… Pas plus le fils que la<br />

nation, froissés dans leur pire orgueil, n’ont pu pardonner sa<br />

simplicité et son cancer à ce héros pacifique… C’est donc<br />

Guillaume II qui est vraiment, avec l’éclat et le bruit qu’il fallait à<br />

la Gründerzeit, le premier nouvel Empereur d’Allemagne… Il se<br />

carre sur le trône impérial, qu’il n’a pas conquis… qu’on n’a<br />

même pas conquis pour lui… Bénéficiaire, sans coup férir, d’une<br />

épopée, il caracole sur les champs de manœuvres, pour se persuader<br />

et faire croire que l’épopée continue… C’est bien… comprenez-vous?<br />

« Sa Majesté le Fils aux papas. »<br />

Von B… s’arrêta un instant, et, comme effrayé de ce qu’il<br />

avait osé dire, ajouta, plus lentement :<br />

— Mon cher, il y a, en Guillaume, deux êtres très différents et<br />

qui semblent s’exclure : l’homme, qui est charmant et que j’aime<br />

beaucoup; l’empereur, que je déteste, car je le juge détestable. Je<br />

le vois moins depuis quelques années. Il me gêne de plus en<br />

plus… Et je crains bien que l’empereur ne finisse par me détacher,<br />

tout à fait, de l’homme… J’en aurai de la tristesse.<br />

L’homme est agréable, sé<strong>du</strong>isant, très gai, très simple, très loyal,<br />

très généreux, et il est fidèle à ses amis… Oui… — cela vous<br />

semble un paradoxe —, il a des amis, de vrais amis, dont quelques-uns,<br />

des gens obscurs, désintéressés et qui, comme moi,<br />

n’attendent rien de sa toute-puissance.<br />

Il dit textuellement :<br />

— C’est un bon garçon… un bon garçon allemand!… Vous<br />

voyez ça?…<br />

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