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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

habitudes de la race, la tare héréditaire où se reconnaît, mieux<br />

que par son esprit, un véritable Français de France : la malpropreté.<br />

Malpropreté monarchique et catholique, à qui Louis XIV<br />

donna le caractère d’une vertu, et la force d’émulation d’un<br />

concours. Chamfort ne raconte-t-il pas qu’un gentilhomme,<br />

ayant observé que les abords <strong>du</strong> palais de Versailles étaient<br />

empuantis d’urine, ordonna à ses domestiques et à ses vassaux<br />

de « pisser » abondamment autour de son château?<br />

Que de fois, arrivant le soir, dans un hôtel de Normandie, par<br />

exemple, j’ai dû m’enfuir devant les saletés de la chambre, les<br />

draps douteux, les poussières accumulées des rideaux, les crasses<br />

pullulantes des tapis, et, surtout, devant ces odeurs ammoniacales<br />

qui, des couloirs, par les fentes des portes, s’infiltrent, pénètrent,<br />

imprègnent tous les objets!… Que de fois me suis-je<br />

résigné à coucher dans mon auto, comme un forain dans sa roulotte,<br />

à l’entrée des villes, sous les arbres des promenades, et,<br />

mieux, en plein champ, où l’on respire un air moins mortellement<br />

humain!…<br />

Et je me souvenais qu’un jour, dans une ville <strong>du</strong> Morvan, descen<strong>du</strong><br />

à l’hôtel, un petit hôtel coquet, récemment remis à neuf,<br />

selon l’Évangile <strong>du</strong> Touring-Club, je m’étonnai de voir combien<br />

étaient ignominieusement tenus ces ré<strong>du</strong>its intimes, aux lambris<br />

de faïence, qui, pourtant, s’il fallait en croire la marque de<br />

fabrique, arrivaient directement d’Angleterre. Vivement, je me<br />

plaignis au patron, qui me répondit d’un air découragé :<br />

— Ah! ne m’en parlez pas, monsieur…<br />

— Mais si… mais si… au contraire, je veux vous en parler…<br />

— Que voulez-vous? Ce n’est pas de ma faute, je vous<br />

assure… Je veille pourtant, je veille… Mais les Français, qui<br />

savent tant de choses, ne savent pas c…. Ça ils ne le savent<br />

pas!… Ce sont des cochons, monsieur…<br />

Il s’emporta :<br />

— Vous avez bien vu?… J’ai collé des affiches… des affiches,<br />

où j’explique la façon de se servir de ces appareils… Eh bien,<br />

non… Ils ne veulent pas… Ils montent toujours dessus… C’est<br />

dégoûtant!…<br />

Et il ajouta, car ce Morvandiau était, malgré tout, optimiste :<br />

— Peut-être qu’avec tous ces sports… oui, enfin… avec<br />

l’automobile, apprendront-ils à c… comme tout le monde. J’ai<br />

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