06.05.2013 Views

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

<strong>du</strong> velours de coton, pour le monde entier… Mais quoi! Düsseldorf<br />

n’était qu’à quarante kilomètres… Rien ne m’obligeait, ce<br />

soir-là, au contraire, tout me déconseillait de pousser jusqu’à<br />

Düsseldorf, sinon l’impérieux besoin, l’impérieux et stupide<br />

besoin de conquérir des kilomètres, encore. Je brûlai Krefeld,<br />

dont le développement économique, le mouvement et la vie me<br />

parurent une chose prodigieuse… Affaires et plaisirs, tout y<br />

était… Ville charmante, propre, colorée. Les rues étaient pleines<br />

de monde… Et ce monde semblait joyeux… Une foule gaie,<br />

voilà un spectacle rare…<br />

Qu’on excuse ce souvenir personnel… Moi aussi, je m’amusai<br />

à voir que, ce soir-là, on jouait Les Affaires sont les Affaires, au<br />

théâtre municipal…<br />

À quelques kilomètres au-delà de Krefeld, un petit incident de<br />

route que je note, parce qu’il est caractéristique des mœurs allemandes,<br />

m’a laissé, dans l’esprit, en même temps qu’une légère<br />

impression de remords, une impression aussi de douceur très<br />

douce et très jolie.<br />

Devant nous, un petit cheval trottinait, traînant une petite<br />

charrette vernie que con<strong>du</strong>isait une jeune paysanne. Le cheval<br />

prit peur — les chevaux sont partout les mêmes — et, les oreilles<br />

dressées, se mit brusquement au galop. J’arrêtai la machine, mais<br />

l’animal effrayé ne se calma point. Il gagnait à la main, comme<br />

disent les cochers. Au risque de se tuer, la jeune fille sauta maladroitement<br />

de la voiture, et roula sur la route… Je me précipitai à<br />

son secours, aidai à la relever… Elle était blonde, très fraîche,<br />

presque luxueusement habillée…<br />

Dès qu’elle fut debout, elle s’efforça de sourire… s’excusa :<br />

— C’est ce vilain petit cheval… Mon Dieu, qu’il est bête!… Il<br />

a peur de tout… Excusez bien.<br />

Je lui demandai si elle était blessée, si elle souffrait.<br />

— Non… non… fit-elle doucement… oh! non!… Je n’ai<br />

rien… Excusez, n’est-ce pas?<br />

Elle avait relevé sa jupe avec décence et découvert à l’un de<br />

ses genoux une écorchure légère. Je courus chercher, dans ma<br />

trousse de pharmacie, un peu d’eau oxygénée, avec quoi je lavai<br />

la plaie, qui saignait à peine… Elle protestait, et riait, comme si<br />

on l’eût chatouillée :<br />

— Ce n’est rien… ce n’est rien… Tiens, mais ça pique…<br />

304

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!