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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

— D’abord, il y a l’Oie, la Mère… Et puis, il y a le canard… Et<br />

puis, il y a l’âne et le mulet… Et puis, il y a le cochon… Et puis, il<br />

n’y a rien… Et puis, il n’y a rien…<br />

Ici une longue suite de points…<br />

— Et puis, il y a la vache… Et puis, il y a le chien… Et puis, il<br />

y a le maître <strong>du</strong> chien…<br />

Encore des points…<br />

— Et puis, il y a la poule… Et puis, il y a le cheval… Et puis, il<br />

y a le charretier… Et puis, il n’y a rien…<br />

Encore une très longue suite de points…<br />

— Et puis, il y a le cycliste!<br />

*<br />

* *<br />

Il y a le cycliste… C’est enten<strong>du</strong>…<br />

Mais il y a aussi l’automobiliste…<br />

Ayons le courage de le confesser. Peut-être, de toutes les bêtes<br />

de la route, est-ce la pire.<br />

Je le sens par moi-même. Quand, les pieds au sol, et la tête<br />

calme, il m’arrive de faire mon examen de conscience, je suis<br />

épouvanté d’être, parfois, cette bête-là…<br />

Et pourtant, cher monsieur Bourget, dans la tenue générale de<br />

mon existence, je ne suis pas un snob qu’exalte le spectacle de la<br />

richesse, ni un méchant qu’offense le spectacle de la misère. Sans<br />

pose, sans littérature, sans arrière-pensée d’ambition, puisque je<br />

n’en attends aucune place, aucun mandat, aucune décoration —<br />

j’ai grand-pitié <strong>du</strong> malheur humain. Chaque jour, de plus en plus,<br />

je m’indigne que — quelle que soit l’étiquette, même la plus<br />

rouge, sous laquelle ils arrivent au pouvoir —, les hommes de<br />

pouvoir, par seul amour <strong>du</strong> pouvoir, fassent de l’inégalité sociale,<br />

soigneusement cultivée, une méthode toujours pareille de gouvernement,<br />

et qu’ils maintiennent, avec âpreté, dans les conditions<br />

<strong>du</strong> plus <strong>du</strong>r, <strong>du</strong> plus injuste esclavage, un prolétariat<br />

douloureux qui travaille à la richesse d’un pays, sans qu’on<br />

l’admette jamais à y participer. Et puisque le riche — c’est-à-dire<br />

le gouvernant — est toujours aveuglément contre le pauvre, je<br />

suis, moi, aveuglément aussi, et toujours, avec le pauvre contre le<br />

riche, avec l’assommé contre l’assommeur, avec le malade contre<br />

la maladie, avec la vie contre la mort. Cela est peut-être un peu<br />

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