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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

tomber sous les roues… Et alors, c’est toute une histoire, qui<br />

vous vaut des mois de prison et d’énormes indemnités.<br />

Il n’y a pas si longtemps, c’est le cycliste qu’on accablait de<br />

toutes les malédictions dont on accable l’automobiliste<br />

aujourd’hui… Il devrait y avoir entre eux une sorte de fraternité,<br />

de solidarité routière. Or, le cycliste est devenu le pire ennemi <strong>du</strong><br />

chauffeur. Il s’associe à la haine <strong>du</strong> paysan, et au besoin la provoque.<br />

J’en ai vu qui, devant une auto, semaient négligemment<br />

de gros clous, et s’esclaffaient de rire, s’ils entendaient un pneu<br />

éclater…<br />

Plus je vais dans la vie, et plus je vois clairement que chacun<br />

est l’ennemi de chacun. Un même farouche désir luit dans les<br />

yeux de deux êtres qui se rencontrent : le désir de se supprimer.<br />

Notre optimisme aura beau inventer des lois de justice sociale et<br />

d’amour humain, les républiques auront beau succéder aux<br />

monarchies, les anarchies remplacer les républiques, tant qu’il y<br />

aura des hommes sur la terre, la loi <strong>du</strong> meurtre dominera parmi<br />

leurs sociétés, comme elle domine parmi la nature. C’est la seule<br />

qui puisse satisfaire les convoitises, départager les intérêts…<br />

Mais un cycliste solitaire, — si malfaisant qu’il soit, — ce n’est<br />

rien, auprès d’une bande de cyclistes… Quand ils tiennent la<br />

route, c’est fini des piétons, des voitures, des autos… Vous<br />

n’avez plus qu’à rentrer chez vous…<br />

J’aime mieux la batteuse à blé qui barre les routes d’Auvergne;<br />

j’aime mieux les deux mille moutons dans les gorges des Grands-<br />

Goulets.<br />

*<br />

* *<br />

On m’a dit, à Karlsruhe, le dicton des officiers de cavalerie<br />

allemands :<br />

— D’abord, il y a Dieu, le Père… Et puis il y a l’officier de<br />

cavalerie… Et puis, il y a la monture de l’officier de cavalerie. Et<br />

puis, il n’y a rien…<br />

Ici une longue de suite de points. Et le dicton reprend :<br />

— Et puis, il n’y a rien… Et puis, il n’y a rien… Et puis, il y a<br />

l’officier d’infanterie…<br />

Pour classer les bêtes de la route, par ordre de mérite, je propose<br />

le dicton suivant :<br />

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