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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

leur petit trot raisonnable, regardent la machine sans peur,<br />

comme sans extase, infiniment moins puérils, beaucoup plus<br />

dignes… et, au fond, blagueurs!… Ça ne les épate pas!… Mieux<br />

que les chevaux, qui ont des nerfs féminins, qu’un rien agace et<br />

décontenance, ils savent très bien tenir tête à l’affolement de<br />

leurs con<strong>du</strong>cteurs, voire des con<strong>du</strong>ctrices, quand elles sautent à<br />

terre si mal à propos, et, tout simplement, ils se retournent, pour<br />

considérer, en souriant d’un air malicieux, le vol effaré des<br />

jupons.<br />

Bêtes d’une admirable sagesse, dont la tête est solide, le pied<br />

sûr, le caractère digne et bon, qui connaissent la fragilité des<br />

enfants et qui la respectent, jusqu’à se laisser torturer, sans autre<br />

révolte qu’un léger mouvement des oreilles, par leurs petites<br />

mains cruelles…<br />

De tous les quadrupèdes — je parle de ceux qui hantent les<br />

routes, car il ne m’a pas été donné d’y rencontrer des éléphants ni<br />

des lions —, les ânes et les mulets sont seuls à mériter une appellation<br />

trop souvent déshonorée : ce sont des hommes.<br />

Ce seraient des hommes, si les hommes n’étaient pas hélas!<br />

des chevaux…<br />

*<br />

* *<br />

Les chiens ont contre eux leur fidélité et la bêtise de leur<br />

maître, et je ne sais pas ce qui leur est le plus funeste. Ils ne<br />

redoutent rien <strong>du</strong> cher homme, jusqu’au moment où celui-ci les<br />

extermine. Et encore à ce moment suprême, avant que de rendre<br />

l’âme, lui prouvent-ils, une dernière fois, leur tendresse imbécile,<br />

en le remerciant d’un regard mourant, et en lui léchant les<br />

mains… Ils s’élancent au-devant des voitures parce qu’ils veulent<br />

défendre leurs maîtres, et les biens de leurs maîtres, contre les<br />

dangers imaginaires, car cette fameuse tendresse <strong>du</strong> chien ne<br />

s’emploie qu’à inventer mille périls, et à y trouver l’occasion<br />

d’aboyer, d’aboyer sans cesse, contre quelqu’un, contre quelque<br />

chose, contre rien <strong>du</strong> tout. Je ne puis supposer que leur flair, si<br />

impeccable, les trompe au point de prendre le radiateur d’une<br />

auto pour le derrière d’un ami… Non… Il y a donc ceci que les<br />

chiens songent moins à éviter la machine qu’à charger contre elle,<br />

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