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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

portes, ils suivent, d’un regard rêveur, faussement distrait, la voiture<br />

qui passe, comme ils suivent, en l’air, le vol d’un papillon…<br />

Bien rares les chauffeurs qui les peuvent prendre en défaut…<br />

Les jeunes cochons, si roses, si gais, si jolis, accompagnent<br />

l’auto, en galopant joyeusement sur les berges. Ils ne traversent<br />

jamais… C’est une joie de la route que de voir ces petits êtres<br />

charmants se suivre et nous suivre — frise délicieusement enfantine<br />

—, le groin en avant, les oreilles battantes, la queue qui frétille…<br />

Aussi gras, joufflus, et plus roses que ces Amours qui, sur<br />

les plafonds, les tapisseries, les boîtes de chocolat, sortent <strong>du</strong><br />

déroulement des banderoles, des conques fleuries, des corbeilles<br />

enrubannées. Ah!… petits cochons… petits cochons!… C’est<br />

aussi une tristesse de se dire que toute cette jeunesse, toute cette<br />

joliesse, toute cette gaieté sautillante, finiront, bientôt, en eau de<br />

boudin…<br />

Ces animaux, dits inférieurs, donnent vraiment de beaux<br />

exemples au cheval qui n’en profite pas. Peut-être est-ce la servitude<br />

trop étroite où il est retenu, peut-être l’é<strong>du</strong>cation absurde<br />

de l’homme qui l’abrutit à ce point? J’ai bien peur que, même<br />

libre, dans ses prairies d’origine, il sache plus mal se défendre, et<br />

qu’il n’emploie sa force qu’à des sottises encore plus grossières…<br />

Sa masse de viande, son énorme charpente, ne sont-elles pas à la<br />

merci d’un loup, d’une petite panthère, d’un minuscule rat?<br />

*<br />

* *<br />

L’âne n’est pas moins tenu de court, ni le mulet… Mais quelle<br />

différence! Comme ils savent, l’âne et le mulet, juger la stupidité<br />

de leurs maîtres, leur ignorance pénible, leurs fantaisies inexplicables,<br />

leurs exigences contradictoires! Et surtout, comme ils<br />

savent y résister avec un admirable courage… le courage de la<br />

raison!<br />

L’incohérence leur est odieuse. Tous les deux, ils sont épris de<br />

logique et de réalités, ce qui fait croire qu’ils sont iné<strong>du</strong>cables…<br />

Au lieu de toutes les manifestations de l’effroi des chevaux, de<br />

leurs brusques écarts, de leurs hallucinations subites, de leurs<br />

tête-à-queue, arcs-boutements, ruades, galopades, reculs, toute<br />

la comédie vaine et bruyante, les ânes passent tranquillement, de<br />

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