06.05.2013 Views

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

LA <strong>628</strong>-<strong>E8</strong><br />

Hymne à la paix et à <strong>La</strong> Haye<br />

Je comprends qu’on ait choisi la Hollande et, dans la Hollande,<br />

<strong>La</strong> Haye, pour y installer ce tribunal arbitral qui, un jour,<br />

en dépit des plaisanteries et des dénégations pessimistes, se substituera<br />

au bon plaisir des Empereurs, des Rois, des Parlements,<br />

pour connaître des querelles internationales, leur trouver des<br />

solutions qui ne seront plus des massacres, et, enfin, établir la<br />

paix, je ne dis pas entre les hommes, mais entre les peuples.<br />

Il est certain que la Hollande et, parmi toutes les villes de Hollande,<br />

que <strong>La</strong> Haye, possèdent un charme, une vertu — pas<br />

encore pacifistes, peut-être —, mais singulièrement pacifiants.<br />

On peut y rêver de choses merveilleuses, on peut y rêver le bonheur<br />

universel, comme dans un beau parc, le soir après dîner…<br />

Cette vertu de la Hollande, ce charme de <strong>La</strong> Haye, j’en ai<br />

subi, bien des fois, les influences sédatives, et d’autres, comme<br />

moi, qui étaient plus agités, plus malades que moi, les ont subies<br />

également. C’est délicieux. <strong>La</strong> douceur <strong>du</strong> sol uni, sa claire et<br />

profonde monotonie que rompent et diversifient, à l’infini,<br />

l’immense lumière <strong>du</strong> ciel et les reflets de l’eau confon<strong>du</strong>s,<br />

l’absence de tout appareil guerrier, le spectacle d’une vie à la fois<br />

active et très calme, d’où tout effort douloureux semble être<br />

banni, l’énergie tranquille des visages, le silence des polders et<br />

des canaux, tout cela vous prend, vous subjugue, vous conquiert.<br />

Jamais rien qui grince et qui menace… Et la terre, si âpre autre<br />

part, l’eau, si terrible partout, se font dociles aux mains de<br />

l’homme qui leur demande son pain et ses joies.<br />

En bons égoïstes, en sages privilégiés de la fortune, ne cherchez<br />

pas trop à briser cette surface riante qui recouvre, peut-être,<br />

comme partout, des haines farouches, bien des luttes fratricides,<br />

une fermentation sociale qui, à Amsterdam, à Rotterdam, principalement,<br />

s’échauffe et bout dans les bas-fonds de la misère et<br />

<strong>du</strong> travail. Contentez-vous, comme toujours, des apparences qui<br />

rassurent, et, comme toujours faites-en des réalités. Que vous<br />

importe, si elles mentent?… Il sera toujours temps de vous<br />

réveiller de vos rêves d’autruches.<br />

*<br />

* *<br />

262

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!