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La 628-E8 - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

drague, qu’on l’expose à l’air, et c’est la ville, c’est le pays entier,<br />

ce sont les pays voisins, c’est toute l’Europe empoisonnée…<br />

C’est la peste, le choléra, ce sont peut-être des fièvres inconnues,<br />

c’est la mort sur le monde!<br />

Les Hollandais ont tout prévu, sauf cela. Ils se croient à l’abri<br />

de toutes surprises derrière leurs remparts d’eau. Ils n’ont qu’à<br />

rompre une digue pour noyer d’un seul coup leurs envahisseurs.<br />

Mais que l’eau découvre son lit de bourbes, et c’est fini d’eux.<br />

L’eau se venge d’avoir été domptée, immobilisée, écrasée entre<br />

des murs de pierre. Elle est faite pour courir, s’épandre et<br />

chanter sur les cailloux d’or. Chaque fois qu’elle croupit quelque<br />

part, elle devient mortelle… On a beau faire, il y a toujours un<br />

moment où la nature secoue formidablement le joug de<br />

l’homme…<br />

Habituons-nous aussi à cette idée que notre sort, même le sort<br />

de l’homme de génie qui emporte la pensée au-delà des horizons<br />

sensibles, veut que ses excréments, veut que ses organes vitaux<br />

soient une infection et une honte. <strong>La</strong> légende qui nous raconte<br />

que les cadavres des saints embaumaient est digne de l’Immaculée-Conception.<br />

Inventions misérables! Tous les cadavres<br />

puent; tous les corps humains puent.<br />

Lecteur, le divin Platon allait chaque jour à la selle, ignoblement,<br />

comme il faut qu’y aille, chaque jour, ta bien-aimée. Si elle<br />

n’y va pas, le cher cœur, elle ne t’aimera plus… Constipé, le divin<br />

Platon devient aussitôt une brute quinteuse et stupide. L’intestin<br />

commande au cerveau… Quant à cette putréfaction que les<br />

villes font sous elles, elle menace toutes les agglomérations, à la<br />

façon, songes-y bien, dont les or<strong>du</strong>res sociales et les reliefs <strong>du</strong><br />

plaisir des riches menacent les sociétés d’une fermentation inapaisable<br />

de la misère.<br />

Ici, cette pourriture demeure, pullule dans les rues, sous une<br />

lame d’eau qu’elle refoule et amincit, chaque jour, chaque heure,<br />

davantage. Plus on tarde à y remédier, plus le danger grandit.<br />

Mais quoi faire?… On est impuissant. Des commissions s’assemblent<br />

et travaillent, des rapports s’ajoutent à des rapports, les<br />

projets chimériques s’empilent sur les projets irréalisables; les<br />

parlements légifèrent. Duquel, entre ces systèmes, de laquelle,<br />

entre ces utopies proposées, viendra donc le salut?… On ne sait<br />

pas… Ce qu’on sait, c’est que les ouvriers de la redoutable entre-<br />

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